Un remake de Marcoussis ?

Avec le concours de différents parrains sur le continent comme à Paris, le nouveau Premier ministre de la Côte d’Ivoire a cherché à surmonter les derniers obstacles à la formation de son gouvernement.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Seydou Élimane Diarra faisait peine à voir, jeudi 20 février, dans le grand amphithéâtre du Palais des congrès de la Porte Maillot, à Paris, lors de la cérémonie d’ouverture de la XXIIe Conférence des chefs d’État d’Afrique et de France. Assis, au troisième rang, entre le président comorien Azali Assoumani, et le président intérimaire de la Commission de l’Union africaine, Amara Essy, il donnait l’impression d’être, non pas le tout-puissant Premier ministre « de consensus » voulu par l’accord signé par les protagonistes de la crise ivoirienne à Marcoussis, près de Paris, le 24 janvier 2003, mais un homme accablé et préoccupé.
Nommé le 25 janvier dernier (dans les locaux de l’ambassade de Côte d’Ivoire en France), confirmé et intronisé, au terme d’un exil involontaire de près de deux semaines à Dakar, à la tête d’un introuvable gouvernement de « réconciliation nationale », il courait toujours, à la fin février, après le consensus. Sa tâche, il est vrai, n’est pas facile.
Les partisans du président Gbagbo et les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), qui, après avoir refusé toute présence des rebelles au sein du futur gouvernement, semblent désormais en passe de reconsidérer leur position. À condition, bien entendu, que les deux ministères clés que sont la Défense et l’Intérieur n’échoient pas aux rebelles.
Ces derniers, qui contrôlent le nord et une partie de l’ouest de la Côte d’Ivoire, sont, pour ce qui les concerne, arc-boutés sur le document de Marcoussis, mais aussi sur une distribution de portefeuilles intervenue, selon eux, à l’issue de plusieurs apartés en marge d’une conférence de chefs d’État organisée dans la foulée à Paris, les 25 et 26 janvier 2003. Les rebelles, comme il faut s’y attendre, s’accrochent par ailleurs aux portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur, même si, à sa descente d’avion à Paris, le 21 février, le secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), Guillaume Soro, s’est déclaré prêt à plus de « flexibilité ».
Dans ces conditions, et face à des exigences contradictoires, la participation de Seydou Diarra à la Conférence des chefs d’État d’Afrique et de France apparaît comme une session de rattrapage des assises de Marcoussis et de Kléber. Il s’agit de déterminer, avec le concours des différents parrains africains et français du compromis de Marcoussis, mais aussi avec les leaders de la rébellion, qui l’ont rejoint dans la capitale française, les « goulets d’étranglement » et les motifs de discorde, pour donner une véritable chance de paix à la Côte d’Ivoire.
Hôte de la conférence, Jacques Chirac a invité « chacun à y mettre du sien ». Depuis Abidjan, Laurent Gbagbo, le grand absent de ces XXIIes rencontres France-Afrique a émis le voeu que le gouvernement soit formé au plus vite. Tout comme ses adversaires, qui semblent prêts à mettre un bémol à certaines de leurs revendications. « Nous ne nous focalisons pas sur des postes de gouvernement, nous nous focalisons sur la nécessité pour ce gouvernement d’avoir le pouvoir de changer les choses en Côte d’Ivoire », a ainsi déclaré le coordonnateur extérieur du MPCI, Louis Dacoury-Tabley à l’agence Reuters. « Nous venons à Paris avec toute la compréhension et toute la flexibilité possibles pour que le nouveau gouvernement soit proclamé le plus tôt possible », a, pour sa part, expliqué Soro.
Avant de regagner son pays, le dimanche 23 février, après un séjour laborieux dans la capitale française, Seydou Diarra s’est dit en mesure de proposer « quelque chose de cohérent » au président Gbagbo. Il a ajouté qu’il avait encore « le doigt sur le curseur », mais qu’il s’agissait de procéder à certains ajustements d’ordre interne. « Il n’y a pas de raison que je n’aie pas assez de marge de manoeuvre pour gouverner. Il le faut pour le pays. Les partis politiques, le président de le République et la communauté internationale sont d’accord sur ce point. »
De bonne source, on indique que la liste du gouvernement pourrait être rendue publique au cours de la dernière semaine de février. Des représentants de la rébellion pourraient obtenir deux ministères d’État, la « Solidarité nationale » ainsi que l’« Intégration ». Toujours selon nos informations, le portefeuille de l’Intérieur devrait revenir à un préfet, administrateur civil de formation, et celui de la Défense à un officier de haut rang de l’armée, acceptable par tous. Les ministres issus de la rébellion ou proches de l’opposition bénéficieront d’une protection rapprochée composée d’éléments des troupes de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la logistique étant fournie par la France.

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