France-Rwanda : d’anciens ministres de Mitterrand sonnent la charge contre Raphaël Glucksmann
En pleine campagne pour les européennes, d’anciens ministres de François Mitterrand ont saisi le patron du Parti socialiste pour réclamer des sanctions à l’encontre de Raphäel Glucksmann, qui conduit une liste estampillée PS. En cause, ses critiques à l’égard de l’ancien président français, qu’il accuse d’avoir « porté de la manière la plus abjecte la politique de la France au Rwanda ».
À dix jours des élections européennes, qui se tiennent le 26 mai, le génocide des Tutsi du Rwanda, dont on commémore depuis le 7 avril le 25e anniversaire, s’est invité dans la campagne. Et plus précisément au sein du Parti socialiste, au sein duquel la politique de François Mitterrand au Rwanda fait toujours l’objet de nombreuses crispations.
Dans un courrier adressé le 9 mai au premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, plusieurs anciens ministres socialistes de l’ère Mitterrand dénoncent les prises de positions de Raphaël Glucksmann, tête de liste PS et Place Publique (son mouvement politique) pour les élections européennes, qui déclarait, en janvier dans une interview accordée au Monde, que « François Mitterrand a porté de la manière la plus radicale et la plus abjecte la politique de la France au Rwanda ».
Hubert Védrine et Paul Quilès à la manœuvre
Parmi les signataires, Hubert Védrine, ex-secrétaire général de l’Élysée sous François Mitterrand et président de l’Institut François Mitterrand qui abrite les documents relatifs à la présidence de ce dernier, Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangère (1988-1993), ou encore Paul Quilès, qui a présidé en 1998 la mission d’information parlementaire chargée d’examiner le rôle de la France au Rwanda, avant, pendant et après le génocide. Ce courrier, révélé par Le Figaro et le Canard Enchaîné, fait suite à une première missive datée du 12 avril, initiée cette fois par Paul Quilès et Hubert Védrine, un des plus ardents défenseurs de la politique de François Mitterrand au Rwanda.
La lettre des anciens ministres rappelle un autre épisode qui s’est déroulé en marge d’un meeting le 6 avril à Toulouse. L’essayiste français, répondait alors à la circonspection de certains membres du PS, surpris de ne pas l’avoir entendu mentionner François Mitterrand parmi les principaux inspirateurs du PS. Glucksmann aurait, selon la lettre, motivé cet oubli en accusant François Mitterrand d’être « complice du génocide au Rwanda ». Sans se désavouer, il a également affirmé début mai que « la France a armé, soutenu financièrement et politiquement les génocidaires ».
« Comment peut-on porter un tel jugement, alors que la France a été (…) le seul pays, dès le feu vert donné par l’ONU, à mener une opération humanitaire en 1994, pendant le génocide, pour sauve des vies, pendant que le monde entier restait indifférent ? », s’insurgent les anciens ministres français, en référence à l’opération Turquoise dont les motivations sont toujours au cœur d’une importante controverse aujourd’hui.
Si la politique française au Rwanda « peut être critiquée », estime les anciens ministres « rien, absolument rien, ne peut justifier les accusations de ‘complicité de génocide’ relayées par Raphaël Glucksmann, alors qu’il s’exprime aujourd’hui au nom des socialistes », poursuivent-ils demandant à Olivier Faure « de convaincre Raphaël Glucksmann de retirer ses insultes et accusations infondées envers François Mitterrand », et « en cas de refus » qu’il « trouve les formes appropriées pour désavouer ses propos ».
Les tiraillements au PS sur le rôle de la France au Rwanda
L’engagement de Raphaël Glucksmann sur la question du génocide de Tutsi du Rwanda n’est pourtant pas nouveau puisqu’il est, aux côtés de David Hazan et Pierre Mezerette, un des réalisateurs du documentaire Tuez-les tous qui, en 2004, remettait déjà en cause le rôle obscur de la France de François Mitterrand. Une position qu’il a depuis maintenu, n’hésitant pas à remettre en cause le rôle de certains personnages clés de l’époque comme Hubert Védrine.
Une commission d’historiens, mise en place le 5 avril par Emmanuel Macron et chargée d’étudier les archives relatives à la période 1990-1994, doit désormais faire la lumière sur la politique française sur cette période.
Le rapport du Parti socialiste français avec cette partie de son histoire donne régulièrement lieu à des tiraillements internes. Peu avant le début des commémorations où Emmanuel Macron avait été invité à se rendre avant de se faire représenter par le député Hervé Berville, le premier secrétaire du PS avait refusé d’apposer sa signature au bas d’une lettre ouverte publiée dans plusieurs quotidien dont Le Monde. Le texte enjoignait le président français à « tenir un discours de vérité » sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi.
Dans un courrier électronique adressé le 15 mars à l’un des instigateurs de cette tribune, Benjamin Abtan, président d’EGAM et ancien conseiller de Bernard Kouchner, que Jeune Afrique a pu consulter, le patron des socialistes avait motivé ce refus expliquant d’entrée que « la position du PS sur le génocide rwandais contre les Tutsis n’a jamais fait l’unanimité quant à la manière de traiter la question des responsabilités. »
« J’observe un biais souvent répété depuis 25 ans : la France serait coupable du déclenchement du génocide au niveau exclusif du sommet de l’État tandis que serait exclue la complicité d’acteurs depuis lors au pouvoir et qui précisément instrumentalisent le génocide pour consolider leur dictature », avait-il poursuivi dans le courrier, assurant de pas vouloir valider « une réconciliation qui s’effectue notamment au détriment de la Francophonie, sans compter qu’elle validerait la politique d’un régime profondément autoritaire qui tue et emprisonne ses opposants ».
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