Maroc : reprise du procès du double meurtre des touristes scandinaves à Imlil
Le procès des assassins présumés de deux touristes scandinaves, décapitées en décembre près d’Imlil, dans le massif du Mont Toubkal, reprend jeudi à Salé. Les principaux suspects, natifs de la région de Marrakech, risquent la peine de mort.
Le procès s’était ouvert le 2 mai dernier devant la chambre criminelle de la cour d’appel de Salé, mais avait été aussitôt renvoyé à la demande des avocats, qui voulaient mieux prendre connaissance du dossier.
D’après une source proche de l’enquête, l’audience de jeudi devrait être consacrée à des questions de pure forme, et le procès pourrait prendre des mois avant que le verdict ne soit rendu. Ce rendez-vous coïncide avec le seizième anniversaire des attentats perpétrés le 16 mai 2003 par des kamikazes issus d’un bidonville de Casablanca, qui avaient fait 33 morts.
24 personnes en tout comparaissent cette fois pour « apologie du terrorisme », « atteinte à la vie de personnes avec préméditation » ou « constitution de bande terroriste ». Les principaux suspects, qui avaient prêté allégeance au groupe jihadiste État islamique (EI), sont accusés d’avoir tué Louisa Vesterager Jespersen, une étudiante danoise de 24 ans, et son amie Maren Ueland, une Norvégienne de 28 ans, dans la nuit du 16 au 17 décembre sur un site isolé du Haut-Atlas où elles campaient. Ils risquent la peine de mort.
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« Nous voulons d’abord comprendre, ensuite demander des compensations, même si rien ne peut compenser la douleur des familles » des victimes, a confié Khalid Elfataoui, l’avocat des parents de la victime danoise qui se sont constitués partie civile. Il dit vouloir demander la peine de mort pour les assassins, « même si les pays d’origine des victimes y sont par principe opposés ». Des condamnations à la peine capitale sont toujours prononcées au Maroc, mais un moratoire est appliqué de facto depuis 1993 et son abolition fait débat.
Le chef présumé tout sourire à l’ouverture du procès
Les trois principaux suspects dans cette affaire, natifs de la région de Marrakech, se nomment Abdessamad Ejjoud (25 ans), Younes Ouaziyad (27 ans) et Rachid Afatti (33 ans). À l’ouverture du procès, le premier, chef présumé du groupe, siégeait tout sourire au premier rang des accusés, aux côtés de ses deux compagnons. Surnommé « Abou Moussab », il avait déjà purgé une peine de prison pour avoir tenté de rejoindre l’EI en Syrie.
Un quatrième Marocain, Abderrahim Khayali, 33 ans, s’était rendu avec les trois autres dans la montagne, mais était retourné à Marrakech pour y trouver une planque, peu avant le passage à l’acte, selon l’acte d’accusation. La diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo montrant la décapitation d’une des victimes, filmée par un des hommes, avait suscité l’effroi dans le royaume. Dans cette séquence, un des suspects parlait de « revanche » pour les « frères » en Syrie, où l’EI, sous le coup de plusieurs offensives, avait perdu en décembre la majorité des territoires dont il s’était emparé depuis 2014. Une autre vidéo publiée dans la foulée montrait les quatre suspects principaux prêtant allégeance à l’EI.
Issus de milieux modestes, avec un niveau d’instruction « très bas » selon les enquêteurs, ils vivaient de petits boulots dans des quartiers déshérités de Marrakech. Arrêtés peu après le drame, ils avaient sur eux des couteaux portant des marques de sang.
Pas de contact avec l’EI, selon l’enquête
Leur « cellule terroriste » inspirée par l’idéologie de l’EI n’avait pas de « contact » avec des cadres opérationnels en Syrie ou en Irak, selon les enquêteurs. L’EI n’a jamais revendiqué leurs assassinats. Selon l’acte d’accusation, le groupe s’était rendu dans les montagnes touristiques du Haut-Atlas le 12 décembre, décidé à « assassiner des touristes ». Il avait repéré plusieurs cibles potentielles, mais renonçait à chaque fois en raison de la présence de guides ou d’habitants.
Dans la nuit du 16 décembre, Ejjoud, Ouaziyad et Afatti avaient repéré les deux victimes qui campaient sur un site isolé. Les 20 autres prévenus sont poursuivis pour leurs liens avec les tueurs présumés. Âgés de 20 à 51 ans et membres présumés du groupe d’Ejjoud, ils sont accusés d’avoir « relayé des images de propagande », d’avoir planifié des attaques dans le royaume ou d’avoir voulu rejoindre l’EI en Syrie et en Irak.
Seul étranger du groupe, Kevin Zoller-Guervos est un Hispano-Suisse de 25 ans, converti à l’islam et installé au Maroc. Selon l’acte d’accusation, il est notamment soupçonné d’avoir entraîné les suspects au tir. Devant le juge d’instruction, il avait déclaré être innocent. La plupart des accusés sont défendus par des avocats commis d’office.
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