Retrouvailles

Les deux pays sont loin d’avoir réglé tous leurs différends, mais le temps de l’affrontement est apparemment révolu.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Après quinze mois de brouille diplomatique, une longue bataille de communiqués et une courte « guerre » autour de l’îlot Leïla, l’heure est à la réconciliation entre le Maroc et l’Espagne. Il n’est désormais plus question que de « renouveau », de « confiance retrouvée » et de « respect mutuel », pour reprendre quelques-uns des termes utilisés par l’ambassadeur espagnol Fernando Arias-Salgado, lors d’une cérémonie organisée, le 2 février, à l’occasion de son retour à Rabat. Le même jour, Abdesalam Baraka, l’ambassadeur marocain, regagnait son poste à Madrid.
Son brusque rappel, le 28 octobre 2001, avait en quelque sorte officialisé la crise provoquée entre les deux pays par le non-renouvellement de leurs accords de pêche. Quinze mois plus tard, c’est la décision, annoncée par Mohammed VI en personne, d’ouvrir les eaux territoriales marocaines aux chalutiers galiciens victimes de la marée noire du pétrolier Prestige qui a donné le signal du dégel.
Depuis, Mohamed Benaïssa et Ana Palacio, les deux ministres des Affaires étrangères, se sont rencontrés à plusieurs reprises. Un calendrier a été établi, des groupes de travail et des commissions techniques ont été mises en place. On parle même d’un retour, définitif cette fois, des pêcheurs espagnols dans les eaux territoriales marocaines, grâce à la création de sociétés mixtes qui leur permettraient d’acquérir 50 % du capital des sociétés établies dans le royaume.
Pourtant, les nombreux contentieux qui sont à l’origine de la querelle n’ont pas disparu comme par enchantement. Et surtout pas le plus sensible d’entre eux : le dossier du Sahara occidental. En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies (depuis le 1er janvier), l’Espagne sera appelée à se prononcer à nouveau sur les propositions de James Baker, l’envoyé spécial de Kofi Annan dans la région, dont la mission a été prolongée jusqu’au 31 mars. Plutôt favorable aux thèses marocaines, le « plan Baker » n’avait pas, lors de sa publication, reçu l’appui de Madrid. Le réchauffement en cours entre les deux pays incitera-t-il les Espagnols à infléchir leur position ? On peut en douter, même si certains se prennent à espérer…
Sur la question des enclaves espagnoles de Sebta et de Melilla, ou celle de la délimitation des frontières maritimes entre le continent et les îles Canaries, les points de vue n’ont pas évolué. En fait, seul le dossier de l’immigration clandestine a permis un rapprochement des points de vue. Les Espagnols reconnaissent volontiers que le Maroc a sensiblement amélioré le contrôle de ses côtes. Les deux pays s’emploient désormais à renforcer la lutte contre l’immigration illégale et à mettre en place les commissions techniques pour l’application de l’accord sur la régulation des flux migratoires.
À défaut d’un réel rapprochement sur les questions politiques, les deux parties ont été contraintes de faire preuve de pragmatisme, notamment dans le domaine économique. De ce point de vue, l’action discrète et efficace du Premier ministre Driss Jettou a indiscutablement séduit les Espagnols, qui ont apprécié que, lors de son discours d’investiture devant la Chambre des représentants, le 21 novembre, il se soit gardé de faire allusion au contentieux bilatéral. À peine installé à la primature, il a exhumé des cartons un projet d’accord entre Endesa (une entreprise espagnole d’électricité), l’allemand Siemens et l’ONE marocain, en vue de la construction d’une centrale thermique près de Tanger. Cet accord a été conclu dès le 19 décembre. Le lendemain, il a accordé une interview au quotidien El País pour rappeler son intention de renouer le dialogue au plus vite. Un mois plus tard, au cours d’une réunion de chefs d’entreprise des deux rives, il a invité ses interlocuteurs à investir dans son pays…
Car Driss Jettou caresse un projet ambitieux : obtenir pour le Maroc un statut comparable à celui dont bénéficient les membres de l’Espace économique européen (Norvège, Suisse, Islande et Liechtenstein), mais adapté aux réalités d’une économie en développement. Dans cette perspective, il sait qu’il a besoin du parrainage de ses deux voisins du Nord : la France et l’Espagne.

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