Regain d’activité au port de Dakar

Depuis début 2003, le tonnage de la plate-forme sénégalaise est en hausse de 20 %. Un essor en partie dû au conflit ivoirien.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

«La porte océane de l’Afrique », le slogan du Port autonome de Dakar (PAD) n’a jamais autant collé à la réalité qu’en ce moment, crise ivoirienne oblige. Déjà sur une pente ascendante depuis plusieurs années, notamment sur les trafics conteneurisés, la place portuaire sénégalaise semble capter depuis ces derniers mois une part significative des opérations jusqu’alors réalisées sur Abidjan. Pas question de se réjouir pour autant du côté de Dakar. « Ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire est dramatique et dommageable pour toute la sous-région », déclare Bara Sady, le directeur général du PAD, qui préfère garder un profil bas devant les graves perturbations qui secouent aujourd’hui les ports ivoiriens. Il profite juste des circonstances pour rappeler les avantages géographiques et nautiques du port sénégalais.
Il est encore difficile, pour l’instant, de quantifier précisément cette hausse constatée des trafics, qui concerne les entrées de marchandises comme les sorties. La direction affiche une augmentation de près de 20 % des tonnages de marchandises qui passent par le port depuis le début de l’année 2003. Dans la foulée, elle rappelle qu’une telle hausse n’a été rendue possible que grâce à la mise en place, depuis septembre dernier, d’une politique tarifaire incitative pour les armateurs. La communauté portuaire de Dakar dans son ensemble reconnaît néanmoins que la crise ivoirienne a dopé les importations de marchandises conteneurisées, notamment en matière de transbordement et de transit, là où la concurrence est la plus vive entre les places de la sous-région. Les autorités portuaires tablent sur une augmentation comprise entre 6 % et 10 % pour 2003, contre 3 % en moyenne pour les années précédentes.
Le transbordement de conteneurs (une partie des marchandises est destinée à partir vers d’autres régions ou pays, l’autre partie reste sur place) a ainsi repris à la hausse après plusieurs mois de stagnation en 2002, les grands armements ayant donné pour consigne à leurs navires de se détourner d’Abidjan pour aller décharger leurs boîtes sur Dakar. Mais c’est le transit (la totalité des conteneurs est déchargée et envoyée vers d’autres pays) de marchandises destinées au Mali qui enregistre la fluctuation la plus importante en comparaison avec le transbordement, avec une hausse de près de 40 % sur les trois derniers mois de l’année dernière. D’après les chiffres fournis par les Entrepôts du Mali au Sénégal (Emase), les importations de marchandises conteneurisées ont été multipliées par trois depuis octobre 2002, pour atteindre une moyenne mensuelle de 1 500 boîtes. Ces conteneurs sont essentiellement destinés aux régions frontalières de Kayes et de Kita au Mali et renferment des produits pharmaceutiques, ainsi que diverses importations alimentaires comme le riz, le sucre, le lait ou encore le blé.
Dans l’autre sens, les exportations de coton malien ont également été relancées à la suite de la fermeture de l’axe ivoirien. Le port de Dakar s’attend à réceptionner près de 70 000 tonnes cette année, contre moins de la moitié en 2001. « Ce qui ne va pas sans poser d’importants problèmes de stockage », s’inquiète déjà la directrice des Emase, Mariam Dolo Coulibaly, même si la direction du port a paré au plus pressé en lui accordant une surface d’entreposage supplémentaire de 20 000 m2 au sein de la zone portuaire.
Comme Tema, Lomé ou encore Cotonou, le port de Dakar tire donc son épingle du jeu régional en récoltant sa part du transit malien traditionnellement traité aux deux tiers par Abidjan. Le PAD aurait même pu profiter davantage de la situation s’il n’était confronté aux problèmes récurrents que constituent le manque d’aires de stockage disponibles et la lenteur de l’évacuation des marchandises sur Bamako. Le temps de transit entre Dakar et Kayes, aujourd’hui de douze jours, est beaucoup trop long aux yeux des opérateurs et ne permet pas au port sénégalais de pouvoir absorber les éventuelles hausses de trafics destinés à son hinterland. « Il est certain que nous allons devoir nous organiser pour faire face à la situation en cas de crise durable », reconnaît le directeur, Bara Sady. Sinon, l’engorgement du port guette. Prévues de longue date, les extensions de terre-pleins ainsi que la réhabilitation des couloirs ferroviaires et routiers entre les capitales sénégalaise et malienne se font encore attendre. Des retards qui empêchent pour l’instant Dakar de pouvoir tenir le rôle de port d’éclatement sous-régional qu’il ambitionne. S’il veut, dans un avenir proche, pouvoir « vendre du mouvement », à l’image du port de Singapour, le PAD va devoir rapidement réactiver ses projets de développement, sous peine de se voir doubler par ses concurrents du golfe de Guinée.

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