Privatisation au forceps

Longtemps retardée par la mobilisation des syndicats, la vente partielle de l’opérateur téléphonique public Telkom vient d’avoir lieu.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Le programme de privatisation du gouvernement sud-africain, qui n’a rapporté que 19 milliards de rands (2,1 milliards d’euros) entre 1997 et 2001, continue de décevoir. La compagnie nationale de télécommunications, Telkom, a fait son entrée le 4 mars à la Bourse de New York et à celle de Johannesburg. Le quart du seul opérateur de téléphonie fixe du pays a enfin été mis en vente, deux ans après l’annonce du projet par le gouvernement.
La privatisation devait avoir lieu en 2002, mais la forte mobilisation des syndicats avait poussé les autorités à reporter l’opération. La deuxième plus grande offre publique d’achat de l’année (après celle de China’s Sinotrans Ltd. Investors) a renfloué les caisses publiques de 3,9 milliards de rands (moins de 449 millions d’euros). Un montant largement inférieur aux 5,7 milliards de rands escomptés. Si l’offre avait eu lieu, comme prévu, en 2002, elle aurait permis de récolter plus de 25 milliards de rands. Étant donné la menace de guerre en Irak et l’incertitude des marchés financiers, les prix ont été revus à la baisse. L’action, qui devait coûter entre 33,5 et 40 rands, a finalement été vendue entre 27 et 30 rands. La transaction a principalement profité aux investisseurs américains et britanniques, qui ont acheté respectivement 25 % et 12 % des parts. Les Sud-Africains raflent, eux, plus de 10 % du marché.
Cette participation massive des investisseurs locaux s’explique sans doute par les tarifs préférentiels accordés aux Noirs. Décidé à renforcer le poids économique de ces derniers, le gouvernement avait lancé une grande campagne de publicité et d’information dans plus de deux cents villes, et accordé une remise de 20 % aux petits investisseurs. Il se dit d’ailleurs satisfait de cette opération, sans doute la plus grande tentative sud-africaine de faire participer la majorité noire à une économie encore largement dominée par les Blancs.
La politique de restructuration et de privatisation menée depuis quelques années par le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994, est très critiquée par ses partenaires sociaux. Notamment par la centrale syndicale Cosatu, longtemps considérée comme l’alliée traditionnelle de l’ANC, et par le Parti communiste sud-africain (SACP). En 1997, le gouvernement avait cédé à la pression syndicale en ne privatisant que partiellement Telkom, dont 30 % avaient été vendus au groupe de communication américain CBS et à Telekom Malaysia. Ce qui avait entraîné, selon les syndicats, de nombreux licenciements (vingt mille personnes en quatre ans) et une hausse considérable des tarifs. Le prix des communications locales a effectivement augmenté de près de 30 % entre 1998 et 2002. Tandis que le coût des communications internationales a baissé, privilégiant les entreprises et les ménages aisés. Des milliers de foyers modestes, ne pouvant plus payer leurs factures, ont eu leurs lignes interrompues.
Le gouvernement se dit cependant confiant dans la capacité de cette opération à revitaliser le marché financier sud-africain et à profiter aux couches défavorisées de la population. Par ailleurs, il se doit de prouver aux investisseurs étrangers que le pays peut se libéraliser, et de restaurer sa crédibilité, malmenée par des années de promesses non tenues. Le gouvernement devra également mettre fin au monopole de Telkom d’ici au mois de juin. encore, il doit faire face à la résistance des syndicats qui craignent qu’un environnement plus concurrentiel ne se répercute sur l’emploi. De leur côté, les autorités tablent sur une baisse des prix, qui permettrait aux Sud-Africains d’avoir un meilleur accès au téléphone mais aussi à Internet. Un pari qu’elles cherchent à gagner avant l’élection présidentielle de l’année prochaine.

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