[Tribune] Une société civile devenue impuissante
Les sociétés civiles d’Afrique subsaharienne sont-elles à court d’inspiration ? Du Bénin au Cameroun en passant par le Sénégal et le Burkina Faso, elle peine à s’imposer dans le débat. Pour y prendre toute sa place, juge Oswald Padanou, elle doit se réinventer, et sortir des logiques bureaucratiques et des tentations de gain facile.
![Une manifestation à Ouagadougou, le 31 octobre 2014 (photo d’illustration). © Theo Renaut/AP/SIPA](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2019/01/14/sipa_ap21645832_000013-e1564061687161.jpg)
Une manifestation à Ouagadougou, le 31 octobre 2014 (photo d’illustration). © Theo Renaut/AP/SIPA
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Oswald Padonou
Docteur en sciences politiques. Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité
Publié le 23 mai 2019 Lecture : 2 minutes.
Au Cameroun, l’opposant Maurice Kamto et quelque 150 militants de son parti croupissent en prison depuis quatre mois sans que la société civile s’en indigne vraiment. Au Bénin, elle n’a pas su peser dans l’issue des législatives d’avril. Même constat d’impuissance au Togo, où la société civile peine aussi à se faire entendre… alors qu’en Algérie et au Soudan elle a enregistré des succès récents avec l’éviction de régimes que l’on croyait indéboulonnables.
Une crédibilité écornée des sociétés civiles
Tout se passe comme si les sociétés civiles d’Afrique subsaharienne étaient à court d’inspiration, épuisées par les nombreux obstacles disposés par les pouvoirs publics pour les empêcher d’accéder à leurs idéaux : une société ouverte et juste, un État bien gouverné… Évoquant les ingrédients d’une révolution réussie, l’analyste politique Gilles Yabi cite la détermination collective, la coordination et l’identification des mouvements de la société civile, et enfin l’intervention limitée des forces de sécurité. Il faut bien ajouter, en ce qui concerne la société civile, la crédibilité de ses leaders.
Dans les années 1990 et 2000, les sociétés civiles avaient le vent en poupe et ambitionnaient même de se substituer à l’État défaillant pour apporter des services de base à la population
Dans les années 1990 et 2000, les sociétés civiles, soutenues par les institutions internationales, avaient le vent en poupe et ambitionnaient même de se substituer à l’État défaillant pour apporter des services de base à la population – bien que ce ne soit pas leur vocation. Mais la course aux financements étrangers, l’utilisation des associations de la société civile comme tremplin vers l’emploi et comme ascenseur pour des ambitions politiques ont écorné leur crédibilité.
Logique bureaucratique
L’État incompétent s’est saisi de ces fragilités pour atomiser les sentinelles de l’État de droit. Malgré les faits d’armes de certaines organisations citoyennes portées par un puissant élan populaire, telles que Y’en a marre au Sénégal ou le Balai citoyen au Burkina Faso, la société civile a globalement du mal à agir efficacement en dehors du temps et du cycle électoral.
>>> À LIRE – « Y’en a marre », « Balai citoyen », « Filimbi »… : l’essor des sentinelles de la démocratie
Certes, la crise de la démocratie, en Afrique et ailleurs, revêt d’abord les apparences d’une crise de la représentation qui favorise les politiques populistes et les pouvoirs autoritaires. Mais ce que nous ne disons pas assez, c’est que les coups d’État « ponctuels » ont fait place à des coups d’États « permanents ».
La société civile doit tenir compte de ce paradigme, se montrer capable de sortir des logiques bureaucratiques et des tentations de gain facile pour nous faire entrevoir un avenir meilleur.
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