Ouaga face à la crise ivoirienne

La plupart des produits ne transitent plus par Abidjan. Les industriels ont déjà exploré d’autres circuits d’acheminement.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

«La Côte d’Ivoire était le premier partenaire commercial de notre pays. Elle fournissait 60 % de nos importations. La plupart de nos produits agricoles et notre coton transitaient par le port d’Abidjan avant de gagner l’étranger. C’était aussi le premier débouché pour nos exportations alimentaires et animales, comme les fruits, les légumes, les volailles et le bétail. Ce schéma, hérité de la géographie et de la colonisation, faisait que nous dépendions trop de ce pays. La crise actuelle a un côté positif : le Burkina s’est trouvé dans l’obligation de s’ouvrir à d’autres marchés. »
Cette politique d’ouverture, évoquée par le ministre burkinabè du Commerce, Benoît Ouattara, avait été expérimentée après les fameux événements de Tabou (sud-ouest de la Côte d’Ivoire) : en novembre 1999, des Burkinabè avaient été chassés de la région à la suite de litiges fonciers. Le Burkina avait alors ciblé les ports de Lomé au Togo et de Tema au Ghana pour écouler ses productions.
Aujourd’hui, en dehors de quelques rares denrées, comme les céréales et le sucre, qui entrent au nord de la Côte d’Ivoire par des circuits frauduleux, tous les produits burkinabè circulent via d’autres pays. Près de 400 000 tonnes de marchandises transitent par le Togo. Et environ 200 000 par le Ghana (contre 18 000 en 1999), où le Burkina a même négocié la location d’un entrepôt de 8 000 m2 pour stocker ses réserves. Quant au Bénin, il se taille une part non négligeable avec près de 20 000 tonnes.
Pour l’heure, le Burkina a pu éviter la rupture de stock de ses produits de grande consommation, malgré les craintes des autorités concernant le ciment, dont une bonne partie provenait de Côte d’Ivoire. Désormais importé du Bénin et du Ghana, le précieux matériau de construction a vu son prix grimper de 15 % à 20 %. Celui du carburant – dont le tiers venait de Côte d’Ivoire – a, lui, grimpé de près de 30 %. Cette majoration entraînera fatalement une hausse du coût des transports.
Les prix des céréales, des farines et du riz n’ont en revanche pas augmenté. La quasi-totalité de l’huile consommée au Burkina provenait de Côte d’Ivoire. Elle vient à présent du Ghana. Les plus grands importateurs de produits de grande consommation s’y approvisionnaient déjà depuis un certain temps.
La crise a même fait quelques heureux : les banques, par exemple. Les sommes d’argent rapatriées par les Burkinabè de Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre se chiffreraient à plusieurs milliards de francs CFA (quelques millions d’euros). En revanche, le gouvernement a perdu de l’argent dans les transactions financières. La poste burkinabè a ainsi gelé les mandats postaux en provenance de Côte d’Ivoire. La partie ivoirienne, qui ne s’acquittait plus des compensations financières relatives à l’envoi de ses mandats postaux, doit aujourd’hui à l’État burkinabè près de 3 milliards de francs CFA. Pour récupérer ces fonds, Ouagadougou devra attendre la fin du conflit ivoirien.
Une crise dont tout le monde ici s’accorde à dire que, si elle devait s’éterniser, nombre d’unités industrielles employant près d’un millier de personnes risqueraient de mettre la clé sous la porte. Il en est ainsi de la société de filature du Sahel (Filsah), qui exportait près de 70 % de sa production en Côte d’Ivoire. Non seulement cette entreprise attend toujours des règlements financiers de ses partenaires ivoiriens, mais elle devra aussi trouver rapidement d’autres marchés. Autre cas préoccupant, celui de la Sitarail, la société de chemin de fer donnée en concession au groupe Bolloré et qui assurait la liaison entre les deux pays. Elle est en cessation d’activités depuis le 8 novembre 2002, à cause de la fermeture de la frontière entre les deux pays. Près de 90 % de ses 650 travailleurs sont menacés de chômage. D’autres entreprises, déjà mal en point avant la crise, sont également en danger. C’est le cas des Grands Moulins du Burkina, dont près de 2 000 tonnes de blé restent bloqués en Côte d’Ivoire.
Enfin, les Burkinabè qui téléphonent en Côte d’Ivoire devront attendre la fin de la brouille entre les deux pays pour voir leurs communications facturées au tarif normal. Pour l’heure, les liaisons doivent passer par Dakar ou par Paris avant d’arriver en Côte d’Ivoire…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires