Tunisie : Hoa, un webzine masculin pour « rétablir l’équilibre » dans les sujets mode et société
Lancé il y a quelques semaines, le webzine masculin « Hoa » clame haut et fort son intention de « rétablir l’équilibre » femmes-hommes dans le traitement des sujets relatifs à la mode et au lifestyle. Une question « d’égalité » pour sa fondatrice, Essia Chouikha.
Essia Chouikha se positionne à contre courant : au moment où les médias tunisiens souffrent d’un tarissement de leurs ressources, elle a lancé Hoa – « lui » en arabe, mais sans rapport avec le magazine de charme français – le premier webzine du pays destiné aux hommes.
Cette diplômée en communication, qui a notamment travaillé pour les groupes JCDecaux et Lagardère, a renoncé à une carrière en France pour renter en Tunisie et relever un défi qu’aucun des professionnels qu’elle a consultés n’a encouragé. Un peu plus de six semaines après la mise en ligne de Hoa, son enthousiasme ne faiblit pas.
Jeune Afrique : Faire vivre en Tunisie un webzine masculin en français, réalisé de surcroît par une équipe essentiellement féminine, cela peut paraître saugrenu. Comment l’idée vous est-elle venue ?
Essia Chouikha : Dans les médias, peu de rubriques s’adressent aux hommes, alors que la presse masculine a sa place sur le marché, commercialement parlant, mais aussi en termes de contenu. Cela fait sens quand on parle d’égalité : on ne peut focaliser les sujets de société uniquement sur la femme. À partir de ce constat, j’ai travaillé neuf mois au projet de Hoa, qui pour moi a toute sa place dans la cartographie de la presse tunisienne.
On vous a pourtant dissuadée de vous lancer dans une telle aventure. Quels obstacles avez-vous rencontrés ?
Effectivement, plutôt que de m’encourager, on m’a conseillé de ne pas investir en Tunisie car on m’a prévenue que les hommes tunisiens ne lisent pas les magazines. Au contraire, c’est une bonne raison pour les inciter à le faire, en leur proposant des sujets qui les concernent. Hoa ne s’arrête pas au foot et à l’économie, il balaie l’univers masculin dans sa globalité.
L’idée est de démocratiser des rubriques considérées jusque-là comme un monopole féminin
L’idée est juste de rétablir un équilibre en traitant des questions qui concernent les hommes en matière de société, mais aussi de mode et de beauté, en démocratisant ces rubriques considérées comme un monopole féminin. La société évolue. Chez les nouvelles générations, ces préoccupations existent. Pendant longtemps, les hommes ont délégué aux femmes le soin de les habiller, de les conseiller ; aujourd’hui, il y a une réelle revendication de leur part pour trouver leurs marques, paraître à leur avantage et affirmer leur personnalité.
Pourquoi avoir choisi la langue française ?
La version arabe est en cours de finition, et nous prévoyons également une version papier bilingue sous forme de numéros spéciaux, pour renforcer l’idée de pédagogie et d’incitation à la lecture. Notre priorité est d’apporter un contenu crédible, accessible et qualitatif, avec une ligne éditoriale claire et précise.
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Pour le moment, nous avons cinq rubriques : way of life, business, sport, automobile et high tech. Après être venu chez nous, le lecteur doit avoir le sentiment d’avoir assouvi sa curiosité et d’avoir appris quelque chose. À l’heure où l’on parle dans le pays de crise politique, économique ou encore sociale, Hoa se veut positif, en mettant en lumière les belles choses entreprises par les Tunisiens. Nous avons envie de donner une bouffée d’air frais à nos lecteurs, d’en faire un moment de détente et de plaisir.
Paradoxalement pour un magazine masculin, votre équipe est majoritairement composée de femmes. Pourquoi ?
Les magazines féminins sont souvent dirigés par des hommes, alors pourquoi pas le contraire ? D’autant que l’un des intérêts des hommes est de se demander comment réfléchissent les femmes, comment séduire et plaire à eux-mêmes et aux autres. Une équipe de femmes apporte du challenge par rapport aux nombreux non-dits sur les hommes.
Les annonceurs publicitaires ont-ils également été séduits par le projet ?
Les premiers retours ont été très positifs. Certains attendaient ce genre d’initiative, notamment les opérateurs de mode masculine, qui ne trouvaient pas de supports pour communiquer et toucher leur cible.
Cela n’a-t-il pas été trop difficile de se lancer seule dans un tel projet ?
Avant ce projet, j’étais très engagée politiquement. Avec ce média, je suis dans la continuité pour impulser le changement, à mon échelle, et contribuer à faire évoluer les mentalités. Se dire qu’on fait quelque chose d’innovant est très motivant. Les réactions des lecteurs confirment la pertinence du positionnement choisi : beaucoup avouent qu’ils se sentaient marginalisés, et vivent toute la promotion qui est faite autour de la femme comme une sorte de mise au ban et d’injustice. Les hommes existent dans la société au même titre que les femmes, et inversement.
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