Ministère du mensonge

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

La guerre et le mensonge ont toujours fait bon ménage : lorsque la patrie est en danger, la diffusion de fausses nouvelles devient une arme comme une autre. On appelait ça autrefois la « guerre psychologique ». L’inconvénient, bien sûr, est que personne n’est obligé de se laisser abuser. Il y a toujours un petit malin pour tenter de dissiper les faux-semblants de l’information officielle. Les États-Unis, qui ne sont certes pas militairement menacés par l’Irak, mais simplement résolus à asseoir leur domination mondiale aussi brutalement que possible, sont apparemment passés à une étape supérieure de cette entreprise de désinformation : pas de nouvelles du tout. Ou alors, puisqu’il faut bien alimenter l’insatiable machine médiatique, en provenance directe des services compétents du Pentagone.
Le 17 mars, après son ultimatum à Saddam Hussein, George W. Bush a fermement invité les journalistes américains à quitter « immédiatement » l’Irak. Un tiers d’entre eux ont obtempéré sans délai. De nombreux quotidiens, du New York Times à USA Today et au Wall Street Journal, n’ont plus ni correspondant ni envoyé spécial à Bagdad. Et CNN n’y est présente que parce que Fox-TV en a été expulsée, il y a quelques semaines : commercialement, elle ne pouvait laisser passer l’occasion de regagner le terrain perdu sur sa très conservatrice rivale.
Les autorités américaines invoquent des raisons de sécurité. Elles redoutent, paraît-il, que des journalistes ne soient pris en otages pour servir de « boucliers humains ». Sans doute ce risque n’est-il pas illusoire, mais personne n’a jamais prétendu que le métier de correspondant de guerre était une sinécure ! Du Vietnam aux boucheries de la Seconde Guerre mondiale, combien y ont laissé leur vie ? Même le plus illustre d’entre eux, un certain Ernest Hemingway, ne sortit pas indemne d’un reportage sur le front italien, en 1918.
La sollicitude de l’administration Bush est touchante. Elle le serait davantage encore si elle avait un rapport moins lointain avec la vérité. Car les journalistes installés au Qatar, à deux pas du Combine Air Operations Center (CAOC), le QG des forces américaines, ne sont pas mieux lotis que leurs collègues restés dans la capitale irakienne : rien, pas une information. Black-out total. Ils croyaient naïvement côtoyer le saint des saints, mais en sont réduits, pour s’informer, à regarder Fox-TV. Doha étant distante de Bagdad de quelque 1 500 km, nos confrères ne semblent pourtant pas directement exposés à la quincaillerie désuète des missiles irakiens !
Cette volonté d’imposer, par tous les moyens, une prétendue « vérité » officielle est tout sauf surprenante de la part d’un homme, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, qui, après les attentats du 11 septembre 2001, tenta de mettre en place un Bureau de l’influence stratégique (OSI) ouvertement destiné à tromper l’opinion internationale. Une sorte de Lie Department. De « ministère du Mensonge ». Les protestations prirent une ampleur telle qu’il fut tactiquement contraint de faire machine arrière, mais sans, bien entendu, renoncer à son objectif. Celui-là même qu’il poursuit aujourd’hui dans la région du Golfe.

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