Logique de guerre

Le conflit qui secoue la Centrafrique depuis plusieurs mois s’est également invité au sommet, avec trois approches différentes. Celle du chef de l’État, celle de son homologue tchadien et celle des rebelles.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Avant, pendant et après le sommet, la guerre (civile) continue. Ce n’est pas de la Côte d’Ivoire qu’il s’agit, mais de la Centrafrique où le fracas des armes s’est fait entendre jusqu’au Palais des congrès. Une guerre donc, et trois logiques parfaitement opposées. Celle d’Ange-Félix Patassé tout d’abord : le président centrafricain, qui a lancé depuis le 13 février une première contre-offensive généralisée contre les rebelles du général Bozizé, reprenant au passage les localités de Bossangoa, Bozoum et Sibut – et qui s’apprête à en déclencher une seconde afin de regagner tout le territoire perdu jusqu’à la frontière tchadienne – parle de « reconquête de l’intégrité nationale ».

S’il reconnaît que des troupes du Congolais Jean-Pierre Bemba continuent de se battre à ses côtés, épaulant dans les combats l’Unité spéciale présidentielle et ce qui reste des forces armées régulières, Patassé affirme qu’un tel choix relève de sa propre souveraineté. Enfin, le chef de l’État entend démontrer qu’en dépit des accusations dont il fait l’objet, il est un démocrate respectueux des droits de l’homme. Ne met-il pas en place un « dialogue national » avec l’opposition ? N’a-t-il pas instauré une commission d’enquête sur les exactions dont les hommes de son allié Bemba se sont rendus coupables ?

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Autre logique, autre plaidoirie, celle d’Idriss Déby. Mis en cause par son voisin pour l’aide – au minimum logistique – qu’il a longtemps offerte aux rebelles de Bozizé, le président tchadien estime avoir été trompé. Alors même qu’il a, lors d’une conversation téléphonique, le 30 janvier, pratiquement donné l’ordre à Bozizé de ne plus avancer sur le terrain afin de laisser se déployer les forces d’interposition de la Cemac ; alors même qu’il s’est rendu à Bangui quinze jours plus tard, à la demande de la France, afin de sceller la réconciliation tchado-centrafricaine, voici que Patassé passe à l’offensive. Certes, Déby ne peut, au risque d’apparaître comme partie prenante, critiquer cette décision. Aussi met-il en avant les « dégâts collatéraux » infligés par les forces gouvernementales à la communauté tchadienne vivant en Centrafrique. Lors d’un aparté animé à l’Élysée, au soir du 19 février, il a ainsi raconté à son « frère » Patassé comment l’imam (tchadien) de Bozoum aurait été éventré puis traîné en pleine rue lors de la reprise de cette localité. Réponse du Centrafricain : « Ce sont des allégations, ne vous fiez pas aux rumeurs. »

Troisième logique enfin, celle des rebelles eux-mêmes et de l’opposition centrafricaine. Selon nos informations, le général Bozizé a quitté son pavillon des Yvelines à la mi-février pour rejoindre « le front », c’est-à-dire le nord de la Centrafrique. Évitant de passer par N’Djamena, l’ancien chef d’état-major s’est d’abord rendu à Londres puis dans une capitale de la région (Khartoum ? Yaoundé ?) afin de pénétrer clandestinement en territoire centrafricain où il compte regrouper ses troupes et réanimer une rébellion militairement essoufflée et surtout financièrement asphyxiée (en dehors d’une petite aide libyenne reçue il y a un an afin de l’inciter à… se rendre, Bozizé n’a pratiquement rien obtenu en ce domaine). Pendant ce temps, les médiateurs du dialogue national, Henri Maïdou et Mgr Pomodimo, s’apprêtaient à rencontrer à Paris, le 22 février, les opposants de la Coordination des patriotes centrafricains, conduits par son secrétaire général Karim Meckassoua. Ces derniers, on le sait, préconisent la mise en place d’une période de transition « avec ou sans Patassé » jusqu’à la présidentielle de 2005 – étant entendu qu’à leurs yeux le chef de l’État ne se représentera pas. Or, si l’on en croit certaines confidences, Ange-Félix Patassé, qui estime que ses adversaires ne l’ont pas jusqu’ici laissé gouverner en paix, a bien l’intention de solliciter dans deux ans les suffrages des électeurs. En attendant, le peuple de ce pays sinistré n’en finit plus de souffrir…

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