Soudan : un accord « complet » sur la transition attendu « dans un bref délai »
Les négociations ont repris lundi soir entre les généraux au pouvoir et les chefs de la contestation, un accord sur la composition du Conseil souverain de transition devant être trouvé dans un « bref délai », selon un haut responsable militaire.
Le dialogue entre le Conseil militaire, qui a succédé au président Omar el-Béchir renversé par l’armée, et l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, a repris vers 21H30 (19H30 GMT).
« Un accord complet entre le Conseil et l’ALC sera obtenu dans un bref délai », a déclaré le chef adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo, surnommé « Himeidti », selon un communiqué de la Force de soutien rapide (RSF), qu’il dirige par ailleurs.
Dimanche, les négociations ont achoppé sur l’instance censée gérer la période de transition. Les deux parties souhaitent chacune prendre la tête et ravir la majorité des sièges du Conseil souverain, une institution clé de la transition qui doit se substituer au Conseil militaire pour une période de trois ans, avant la tenue d’élections.
A la tête du Soudan pendant près de 30 ans, Omar el-Béchir a été destitué et arrêté par l’armée le 11 avril sous la pression d’un mouvement inédit déclenché le 19 décembre par la décision des autorités de tripler le prix du pain dans un pays miné par une grave crise économique.
Le mouvement s’est vite transformé en contestation du pouvoir. Des milliers de manifestants campent depuis le 6 avril devant le QG de l’armée à Khartoum pour réclamer le transfert du pouvoir aux civils, après avoir obtenu la mise à l’écart de Omar el-Béchir.
« Nous avons insisté sur le fait que le Conseil souverain soit présidé par un civil et composé majoritairement de civils », a déclaré à l’AFP Satea al-Haj, un membre de l’ALC ayant participé aux négociations.
Le Conseil militaire, a-t-il expliqué, justifie sa volonté de diriger l’institution clé « par les menaces sécuritaires pesant sur le pays ».
« Piège »
Au sit-in devant le QG de l’armée, les manifestants sont inquiets.
« On sent qu’un piège est en train d’être tendu. Un sale jeu politique mené par le Conseil militaire », a dit l’un d’eux Moustafa Sedik.
« Les forces armées ne veulent pas abandonner le pouvoir facilement, et je pense qu’ils ont un plan avec l’ancien régime », s’inquiète Youssef Mohamed, au milieu d’une foule brandissant des drapeaux soudanais et faisant le « V » de la victoire.
Tout en affichant leur détermination à obtenir gain de cause, les chefs de la contestation tentent d’apaiser les esprits.
Selon Satea al-Haj, les précédentes consultations se sont déroulées dans une atmosphère « positive » malgré le différend sur la présidence et la composition du Conseil souverain.
« La victoire est une question de patience et elle se rapproche », a assuré l’ALC lundi dans un communiqué.
Les deux camps avaient réussi la semaine dernière à s’entendre sur la durée de la transition, fixée à trois ans, et la composition d’une assemblée législative, dont les deux tiers des 300 membres désignés viendraient de l’ALC.
« Il est temps de réaliser notre objectif », a déclaré un manifestant, Ahmed Nadgi, ajoutant que le peuple soudanais avait déjà attendu « des décennies », durant le pouvoir de Omar el-Béchir.
L’UA se dit « satisfaite »
Le 17 mai, plusieurs pays et organisations internationales, dont les États-Unis, l’Union africaine, l’ONU et l’Union européenne ont appelé à la mise en oeuvre d’une transition « vraiment dirigée par les civils ».
En visite à Khartoum lundi, l’émissaire de l’UA pour le Soudan, le Mauritanien Mohamed El Hacen Lebatt, a assuré que l’organisation panafricaine soutenait « tout accord entre les forces politiques au Soudan », selon l’agence soudanaise Suna.
« L’UA est satisfaite des avancées en cours pour parvenir à un accord », a-t-il déclaré après une rencontre avec le général Kabbachi, selon Suna.
Le 6 mai, Mohamed El Hacen Lebatt avait annoncé à Khartoum qu’un rapport d’étape sur la transition serait examiné dans deux semaines par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA.
L’organisation régionale plaide pour un transfert rapide du pouvoir aux civils, faute de quoi elle a averti qu’elle pourrait suspendre le Soudan.
L’Égypte voisine, qui assure actuellement la présidence de l’UA, est considérée comme un soutien des militaires au Soudan. Son président, Abdel Fattah al-Sissi, a régulièrement dénoncé les mouvements populaires, source d’instabilité selon lui.
La semaine dernière, des violences ont émaillé le mouvement de contestation, avec la mort de cinq civils et d’un militaire le 13 mai par des hommes armés non identifiés qui ont tiré sur les manifestants rassemblés devant le QG de l’armée à Khartoum. Les militaires ont accusé des « éléments infiltrés ».
Avant ces violences, 90 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre depuis le 19 décembre selon une association de médecins proche de l’ALC. Les autorités parlent d’un bilan de 65 morts.
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