Éthiopie : qui veut dîner pour 173 000 dollars ?

Le week-end dernier, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed réunissait des mécènes au profit d’un de ses projets urbains. Un dîner hors de prix pour la valorisation de sa capitale…

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Publié le 21 mai 2019 Lecture : 2 minutes.

5 millions de birrs éthiopiens, soit 173 000 dollars, soit 157 000 euros, soit 103 millions de francs CFA, soit 0,0014 % du budget national annuel de l’Éthiopie. C’est la somme que devait débourser, pour un dîner tenu dimanche 19 mai, chaque convive du Premier ministre éthiopien. Ce repas, considéré comme le plus cher jamais organisé dans le pays, serait moins l’expression d’une folie des grandeurs d’Abiy Ahmed que le fruit de son imagination visionnaire.

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En sollicitant le portefeuille de ses riches « invités », le populaire leader éthiopien entendait promouvoir le projet « Beautifying Shege », destiné à revaloriser l’image de la capitale Addis-Abeba, sur une période de trois ans et pour un coût de 1,1 milliard de dollars. Sur les publicités de l’opération : une ville africaine « belle et propre » grâce à des parcs, des fermes urbaines ou encore des voies cyclables et piétonnières le long des cours d’eau, le tout au profit des acteurs du tourisme.

Quid du ruissellement et de l’opportunité ?

Un dîner de luxe au bénéfice de ceux qui ont du mal à se nourrir, la formule est éprouvée. Les fameux « clubs services » font florès en Afrique, activant la générosité de leurs membres par des soirées chics, comme s’il fallait que la main qui donne soit ornée d’un bouton de manchette. C’est bien connu : richesse et pauvreté ont besoin l’une de l’autre.

Le désintéressement s’exprime mieux lorsqu’il est exposé, une tricoteuse de pulls pour indigents choisissant une couleur originale pour que l’on reconnaisse « ses » pauvres. Faire d’Addis-Abeba, le temps d’un dîner, the place to be des happy few n’était incohérent ni avec le projet d’une capitale branchée ni avec le besoin de reconnaissance des riches. Accéder au dîner censément « inaccessible » du Premier ministre éthiopien était donc moins un acte de mécénat qu’une opération de sponsoring.

Si la chaîne alimentaire va moins du plancton au félin que du nanti au pauvre, pourquoi ne pas exploiter l’autosatisfaction d’un convive glamour qui se gargarisera d’un ‘j’y étais’ ?

Qu’importe l’indécence présumée d’une bouchée à 1 000 dollars, pourvu que le ruissellement caritatif permette à l’État de lancer son projet. Si la chaîne alimentaire va moins du plancton au félin que du nanti au pauvre, pourquoi ne pas exploiter l’autosatisfaction d’un convive glamour qui se gargarisera d’un « j’y étais » ?

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À condition, tout de même, de poser deux questions. Une question préliminaire : un projet « Beautifying Shege » aussi onéreux est-il opportun, alors qu’il peine à convaincre les internautes ? Une question subsidiaire : le service était-il compris dans les 173 000 dollars ?

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