[Tribune] L’entrepreneuriat de masse, moteur de l’emploi de masse
Pour la directrice des opérations du cabinet de conseil Dalberg, l’écosystème des start-up ne suffira pas à répondre aux immenses besoins du continent en matière d’emplois.
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Madjiguene Sock
Associée au bureau de Dalberg Dakar et directrice des opérations du groupe
Publié le 24 mai 2019 Lecture : 3 minutes.
Le récent financement de 100 millions de dollars de la start-up Andela par Generation Investment Management montre que les financiers internationaux sont à la recherche de la prochaine licorne africaine.
La population très entreprenante du continent a inspiré la création de nombreux accélérateurs, pôles d’innovation et fonds de capital-risque visant à identifier les talents et à nourrir l’écosystème pour le développement de start-up à forte croissance. Mais ces entreprises, tout en contribuant à la croissance économique globale, ne sont pas suffisantes pour créer le volume d’emplois requis face à la croissance rapide de la population des jeunes en Afrique.
Dans des pays comme le Sénégal, où moins de 15 % de la population en âge de travailler occupe un emploi formel et où plus de 80 % du secteur privé est composé d’entreprises individuelles, les start-up, même devenues des licornes, ne parviendront pas à absorber les 100 000 nouveaux diplômés qui entrent chaque année sur le marché du travail local. L’entrepreneuriat de masse peut en revanche y parvenir.
Pour vraiment prospérer, l’entrepreneuriat de masse a besoin d’outils politiques, financiers et commerciaux
Il désigne les millions d’entreprises ordinaires qui utilisent des intrants nationaux et répondent aux besoins de chaque communauté locale. Il s’agit d’entreprises à taille humaine (comme les boulangeries, les petites entreprises agroalimentaires et les villages d’artisans) qui ne seront jamais cotées en Bourse, mais qui embauchent de cinq à vingt personnes. Ce type d’entreprise est à multiplier si l’on veut parvenir à employer les 29 millions de jeunes qui rejoignent chaque année la population active de l’Afrique subsaharienne.
Cependant, pour vraiment prospérer, l’entrepreneuriat de masse a besoin d’outils politiques, financiers et commerciaux permettant de faciliter le travail indépendant, et d’accélérer la croissance des petites et moyennes entreprises. C’est l’objectif poursuivi au Sénégal par la Délégation générale à l’entreprenariat rapide des femmes et des jeunes (DER), avec laquelle travaille Dalberg.
La DER est une initiative présidentielle qui soutient l’esprit d’entreprise au sein des groupes vulnérables (à savoir les femmes, les jeunes et les jeunes diplômés) dans le but de réaliser un développement économique plus inclusif. Elle fournit aux entrepreneurs une gamme intégrée de services financiers, non financiers et d’accès au marché – adaptée aux secteurs à fort potentiel économique et d’emploi. Le programme phare de la DER cible simultanément différents acteurs d’une chaîne de valeur donnée, conduisant au développement des liens avec les marchés nationaux. De telles pratiques pourraient fournir le cadre nécessaire pour que les citoyens deviennent des entrepreneurs créateurs d’emplois.
Accordons aux entrepreneurs de masse à ancrage local l’attention qu’ils méritent
Les politiques et les programmes de soutien à l’entrepreneuriat de masse peuvent conduire à des changements positifs et durables. En Chine, des politiques ont été mises en œuvre pour promouvoir l’innovation, l’application des droits de propriété intellectuelle et la levée de fonds, ce qui a permis l’enregistrement officiel de 13 millions de nouvelles entreprises entre 2014 et 2017.
En Inde, les politiques se sont concentrées sur le changement des mentalités et sur l’éducation, mais aussi sur la création d’un environnement fiscal favorable – l’objectif étant de créer 50 millions d’emplois d’ici à 2030.
Les start-up apportent du dynamisme, et certaines nouvelles plateformes d’entreprises peuvent même – comme dans les villages chinois de Taobao qui approvisionnent le monde avec Alibaba – faciliter l’essor de l’entrepreneuriat de masse. Mais, en fin de compte, les emplois futurs des jeunes Africains seront fournis par des entrepreneurs de masse à ancrage local – accordons-leur l’attention qu’ils méritent.
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