[Tribune] Quand les produits tropicaux portent leurs fruits économiques
Pour Amaury de Féligonde (Okan) et Clément Chenost (Moringa-Edmond de Rothschild), la vogue des produits « bons, sains et responsables » représente une chance pour le continent.
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Amaury De Féligonde
Ancien de McKinsey et de l’AFD, associé d’Okan, société de conseil en stratégie et en finance dédiée à l’Afrique.
Publié le 31 mai 2019 Lecture : 3 minutes.
Six heures du matin, dans le sud du Mali. Ahmadou soigne ses manguiers alors que la récolte vient de débuter. À la même heure, à Paris, Paul entame son petit déjeuner et fait le plein de vitamines en buvant un jus de mangue bio certifié. Ce désir du consommateur occidental d’acheter des produits sains, respectueux de la planète et des hommes, peut devenir un moteur majeur pour développer les zones rurales.
L’impact économique et social de l’exploitation et de la transformation des produits tropicaux – cacao, ananas, coco, mangue, anacarde, moringa – est déjà fort, mais il doit être amplifié par des investissements à long terme.
L’exemple de la Côte d’Ivoire, acteur mondial clé des produits tropicaux (40 % du cacao et 20 % des anacardes), démontre qu’une politique agricole volontariste a un impact économique immense. Depuis la sortie de crise, les autorités ont favorisé la filière de l’anacarde et de la mangue afin de booster les revenus des populations du nord du pays.
La mangue rapporte des dizaines de millions d’euros, bienvenus dans des zones de savane historiquement peu favorisées. Le pays est devenu le leader mondial de l’anacarde en 2015, devant l’Inde, grâce à une production multipliée par dix en vingt ans.
Les produits tropicaux permettent le développement des infrastructures de base, comme les pistes, et l’électricité
Autre exemple : l’impact social de la culture du coton. Au Burkina, 3 millions de cotonculteurs vivent de l’or blanc, au cœur de zones sahéliennes parmi les plus défavorisées. Les plantations de café au Kenya et de thé sur les pentes du mont Cameroun font vivre des dizaines de milliers de personnes. Les produits tropicaux occasionnent aussi le développement d’infrastructures de base : pistes, électricité, institutions financières et coopératives.
Par ailleurs, ces cultures sont à l’origine d’un début d’essor industriel : huileries, usines d’égrenage de coton et de décorticage d’anacarde offrent plusieurs milliers d’emplois en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Afin de maximiser l’impact économique et social de ces filières, et d’éviter les crises qui les ébranlent régulièrement (coton, banane, anacarde), un nouveau modèle d’agriculture, plus qualitatif, doit néanmoins être développé.
Tout d’abord, les produits peuvent être mieux valorisés pour éviter la « malédiction des matières premières ». La transformation locale doit être encouragée. La Côte d’Ivoire a pour objectif de décortiquer 50 % de sa production d’anacarde d’ici à cinq ans (contre 6 % actuellement) pour échapper aux industriels indiens et vietnamiens qui « tiennent le marché ».
Des efforts de marketing doivent être consentis, comme l’ont fait les Néo-Zélandais avec le kiwi. Le marché local peut être réinvesti : il est de plus en plus demandeur de jus, de produits lactés aux fruits, avec des niveaux de prix intéressants, à l’image du succès des jus Dafani, au Burkina.
Par ailleurs, la vogue des produits « bons, sains et responsables » représente une chance pour le continent. Les terroirs africains offrent la caractéristique peu commune de ne pas être contaminés par des produits chimiques : ils sont bio par nature ! La société Blue Skies, au Ghana, est la première à avoir investi dans une unité de production et de transformation de fruits tropicaux frais en portions individuelles destinées au marché britannique. Elle promeut des produits sains et « une économie circulaire » grâce à la valorisation agricole des déchets.
Le souhait des consommateurs occidentaux de donner du sens à leur alimentation constitue une formidable chance
Les producteurs de « bananes dessert » se tournent de plus en plus vers des modes de production agroécologiques, afin de résister à la « banane dollar ». Ce renouveau agricole reposerait sur le souci des communautés locales.
Le cacao certifié concerne aujourd’hui 200 coopératives ivoiriennes, contre une seule en 2000. Regroupant 120 000 producteurs, elles s’attachent à éliminer le travail des enfants et à assurer des revenus plus justes, en éliminant certains intermédiaires. Parce qu’elle appuie des milliers de paysans devenus ses fournisseurs, la société Comafruits, qui produit de la purée de mangue bio au Mali, a obtenu le label Fairtrade.
>>> À LIRE – Côte d’Ivoire : le cacao de plus en plus équitable
Le souhait des consommateurs occidentaux de donner du sens à leur alimentation constitue une formidable chance. C’est un début, mais comme le dit le proverbe : « au bout de la patience et de l’effort, il y a le ciel ! »
Note : certaines sociétés citées dans cette tribune sont accompagnées par Moringa ou Okan.
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