Ramadan : les non-jeûneurs défendus par des mouvements maghrébins

Au Maghreb, plusieurs groupes et mouvements défendent le droit de ne pas jeûner durant le ramadan. Si les appels au respect des libertés individuelles se succèdent en Tunisie et au Maroc, la mobilisation reste plus timide en Algérie.

Plusieurs cafés et restaurants sont restés ouverts en Tunisie pendant le ramadan. © Flickr/CC/Ben Abdallah Abdel Karim

Plusieurs cafés et restaurants sont restés ouverts en Tunisie pendant le ramadan. © Flickr/CC/Ben Abdallah Abdel Karim

Wided

Publié le 30 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

L’attaque en pleine journée d’un café à Radès, en banlieue de Tunis, le 25 mai dernier, a suscité un tollé. Si le caractère takfiriste a été démenti par le ministère de l’Intérieur, les associations des droits de l’homme ont condamné cette agression et appelé au respect des droits et des libertés individuelles des citoyens, notamment celle de jeûner ou non durant le ramadan.

Manger durant le mois saint demeure un défi en Tunisie, où ceux qui choisissent de le faire risquent d’attirer des regards réprobateurs, des insultes ou, plus rarement, de se faire agressés. Des cas similaires ont été observés dans d’autres pays du Maghreb. Pour faire face, des mouvements de contestation ont émergé depuis plusieurs années en Tunisie, en Algérie et au Maroc, pour appeler à la liberté de ne pas jeûner.

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En Tunisie, la société civile dénonce

En Tunisie, depuis 2011, l’on constate une émergence des revendications des libertés individuelles, et particulièrement celle de jeûner ou non durant le ramadan. Des manifestations sont ainsi organisées dans les rues de Tunis afin de protester contre les restrictions. Les manifestants font notamment des tours de provocation, en buvant de l’eau, en fumant des cigarettes ou en scandant des slogans contre la traque des non-jeûneurs.

Le cadre général de la Tunisie reste en effet régi par une circulaire datant de 1981, qui recommande durant cette période la fermeture en journée des cafés et restaurants, à l’exception de ceux à vocation touristique. Les appels de la société civile se multiplient pour l’abrogation de cette circulaire, cinq ans après l’adoption d’une Constitution garantissant les libertés publiques, notamment à travers la campagne #MouchBessif, qui dénonce l’imposition de la religieux sur ceux qui désirent ne pas faire le ramadan.

Des groupes sur les réseaux sociaux, comme #fater ou fater(a), sont également réactivés durant le mois, afin que les internautes se partagent les adresses de salons de thé ou de restaurants ouverts. Si beaucoup de propriétaires préfèrent éviter d’ouvrir durant la journée, d’autres exposent des journaux sur les vitrines afin que les non-jeûneurs ne puissent être vus des passants, et également pour protéger leurs locaux.

>>> À LIRE – Ramadan en Tunisie : dîner ou « dé-jeûner », telle est la question

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Un article controversé au Maroc

Au Maroc, certains mouvements sociaux sont également engagés, dont principalement deux. Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (M.A.L.I) fait notamment parler de lui depuis 2009 et appelle au respect des libertés individuelles et des droits humains.

De son côté, le groupe Masayminch (« je ne jeûne pas »), semblable à #fater en Tunisie,  a vu le jour plus récemment et est principalement actif sur les réseaux sociaux. Des publications ironiques et provocantes sont souvent partagées afin de briser le tabou autour du non-jeûneur.

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>>> À LIRE – Maroc – Ramadan : le combat du groupe « Masayminch » pour les non-jeûneurs

La semaine dernière, un faux appel à la rupture du jeûne dans la journée nommé « Koffet al Molhid » (le couffin de l’athée), sur la place des Nations unies à Casablanca, a suscité l’ire des plus conservateurs et le rejet des Marocains, qui y ont vu le signe d’une provocation. Cependant, cette information a été démentie, stipulant que l’affiche était ironique et n’appelait nullement à un tel rassemblement.

Tous ces mouvements ont néanmoins un objectif en commun : dénoncer et appeler à la suppression de l’article 222 du code pénal marocain, qui stipule qu’une rupture du jeûne en public est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à six mois.

Une mobilisation plus timide en Algérie

Les mouvements de non-jeûneurs demeurent cependant plus timides en Algérie. Bien qu’il n’existe aucun texte juridique pénalisant les non-jeûneurs, le code pénal algérien condamne quiconque « offense le prophète ou dénigre le dogme et les préceptes de l’islam ». La fermeture des restaurants et des salons de thé est également imposée en partie par la forte pression sociale, devant des condamnations continues, sans grande portée effective.

Le 11 mai dernier, un groupe d’étudiants a par exemple été surpris en train de manger dans le campus de Bouzareah. Ils ont ensuite été lynchés par d’autres étudiants, provoquant un tollé. Après les condamnations de Ligue des droits de l’homme algérienne, un groupe de personnes a décidé de se coordonner autour d’un collectif « yawmiyates fatiroune djazairiounes » (chroniques de non-jeûneurs algériens), mais celui-ci n’a toujours pas vu le jour.

Depuis 2010, l’affaire des jeunes algériens surpris par la police à Alger et Biskra en train de fumer discrètement, est fortement condamnée par le collectif SOS libertés et a participé à la hausse des contestations contre ces pratiques. Devant l’absence d’une peine pour le non-jeûne, les autorités algériennes utilisent plutôt « l’atteinte aux valeurs de l’islam ».

Si le Maghreb a connu une vague de contestation – même timide – contre les limites imposées par la société au nom de la religion, ces mouvements ne daignent se créer dans d’autres régions du monde arabe, l’influence de l’islam et du respect du mois demeurant les clés de voûte des sociétés.

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