Côte d’Ivoire : Charles Blé Goudé ne veut pas être candidat à la présidentielle de 2020

Charles Blé Goudé, ex-chef des Jeunes Patriotes ivoiriens, accusé de crimes contre l’humanité puis acquitté en première instance par la Cour pénale internationale, assure ne pas vouloir être candidat à l’élection présidentielle de 2020 en Côte d’Ivoire, et espère un retour au pays de Laurent Gbagbo.

Charles Blé Goudé à La Haye, le 28 janvier 2016. © Peter Dejong/AP/SIPA

Charles Blé Goudé à La Haye, le 28 janvier 2016. © Peter Dejong/AP/SIPA

Publié le 29 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

« Je ne suis candidat à rien en 2020 (la présidentielle ivoirienne de 2020). C’est un devoir de ramener la paix en Côte d’Ivoire. Voilà la campagne que je veux engager », a assuré Blé Goudé dans un entretien à l’AFP, sanglé dans une chemise pagne bleu ciel et coiffé d’un chapeau de cow-boy.

Charles Blé Goudé et l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, aussi accusé de crimes contre l’humanité avant d’être acquitté, ont été libérés sous condition le 1er février 2019. Ils ont l’obligation de résider dans un État membre de la Cour pénale internationale (CPI), en attendant un éventuel procès en appel. Gbagbo réside désormais à Bruxelles, mais Blé Goudé est toujours aux Pays-Bas, la Belgique et les autres pays ayant refusé d’accueillir l’ex-chef des Jeunes patriotes, après avoir accepté son mentor.

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Blé Goudé a le droit de s’exprimer publiquement, mais il a interdiction d’évoquer son dossier en cours. Il ne porte pas de bracelet électronique et peut recevoir des visiteurs. Il est surveillé et protégé par deux policiers en civil, très discrets dans un hôtel de la Haye. « La prison a été un professeur pour moi et je veux partager cette expérience pour dire qu’il faut prévenir les conflits. Je veux jouer ce rôle dans mon pays », assure-t-il.

Livres, cuisines et football

Durant ses cinq ans de prison à la Haye, il assure avoir reçu en cadeau un demi-million de livres et 200 DVD, et avoir fréquemment joué au football avec l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, acquitté après dix ans de détention. Il a aussi amélioré ses talents culinaires, en préparant souvent la sauce graine au riz, un plat très prisé en Côte d’Ivoire.

« Je veux rentrer (en Côte d’Ivoire) pour participer à la paix et à la reconstruction de mon pays, à la réconciliation », affirme-t-il. Surnommé le « général de la rue » pour sa capacité à mobiliser les partisans de l’ex-président ivoirien, Charles Blé Goudé est l’un des membres les plus controversés du clan Gbagbo. Les Jeunes patriotes, mouvement pro-Gbagbo extrêmement violent, critiquait souvent l’actuel président ivoirien Alassane Ouattara, la France et l’ONU.

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Ses détracteurs et les ONG internationales le considèrent comme l’un de ceux qui avaient contribué à la montée de la tension en Côte d’Ivoire après l’arrivée au pouvoir de Gbagbo et l’émergence de la rébellion des Forces nouvelles occupant le Nord. Un climat anti-français et anti-médias avait été de plus en plus développé par le pouvoir et les Jeunes patriotes. Le correspondant de RFI Jean Hélène avait été tué par un policier en 2003, tandis qu’un autre journaliste, Guy-André Kieffer, est toujours porté disparu.

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En novembre 2004, Blé Goudé avait lancé ses partisans à l’assaut des Blancs vivant à Abidjan, provoquant la fuite de milliers d’entre eux, évacués dans la précipitation par la France. Plus de 3 000 personnes avaient ensuite été tuées pendant la crise post-électorale, entre décembre 2010 et avril 2011. On lui attribue souvent le slogan « À chacun son Blanc », qui appelait à la chasse des étrangers blancs de peau, notamment les Français.

« Gbagbo a encore un rôle à jouer »

« J’ai été victime de propagande. J’ai demandé qu’on me produise un seul son qui n’ait jamais venu étayer cette propagande », répond-il aujourd’hui. Il rappelle ensuite qu’il a interdiction d’évoquer le dossier de la CPI. « Non ! Je ne suis pas un anti-français. (…) Il faut aujourd’hui une relation gagnant-gagnant dans les relations France-Afrique », ajoute-t-il.

Au sujet de ses rapports avec Laurent Gbagbo dont le parti, le FPI, est divisé en deux camps, Blé Goudé confie : « Il faut que le président Gbagbo retourne en Côte d’Ivoire. Son retour pourrait être salvateur pour la paix sociale en Côte d’Ivoire. C’est un rassembleur, je pense qu’il a encore un rôle à jouer en Côte d’Ivoire. »

On va droit dans le mur. Les facteurs qui ont conduit à la crise post-électorale en 2010 sont deux fois plus réunis aujourd’hui

Mais l’ex-chef des Patriotes est pessimiste quant à l’élection présidentielle de 2020. « On va droit dans le mur. Les facteurs qui ont conduit à la crise post-électorale en 2010 sont deux fois plus réunis. Le bloc qui est arrivé au pouvoir est aujourd’hui divisé en trois. L’aile militaire avec Guillaume Soro et l’aile politique avec Bédié. Ouattara est isolé. »

« De l’autre côté, l’opposition n’est pas homogène. Ce sont ces même problèmes (la fixation sur un fauteuil présidentiel) qui ont mené à la crise post-électorale de 2010 », estime-t-il.

« Je me veux un homme d’État »

Il propose que tous les « protagonistes au complet » initient « une campagne de paix » auprès des Ivoiriens. Blé Goudé se dit prêt au dialogue avec le régime qui l’a envoyé en prison. « Je me veux un homme d’État. (…) Je suis prêt à parler avec tout le monde, et je demande à mes partisans de le comprendre ainsi. Et au-delà de mes partisans, je demande aux Ivoiriens de le comprendre », affirme-t-il.

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Démagogie ? « Comment peut-on tenir un discours démagogique, quand on a fait deux ans d’exil, 14 mois d’enfermement dans une cellule à la DST (en Côte d’Ivoire), seul, sans visite, pour finalement atterrir à la CPI pendant cinq ans ? Quand on sort de ces épreuves, on ne peut pas tenir un discours démagogique », jure-t-il.

Même s’il assure n’être candidat à rien, il avoue préparer le congrès prévu pour août en Côte d’Ivoire en vue de transformer son mouvement, le Cojep, en parti politique, capable de participer aux futurs scrutins, hormis la présidentielle de 2020.

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