Mali : litiges fonciers, lenteur de la justice, corruption… Les plaintes contre les agents de l’État en hausse

Entre 2017 et 2018, le nombre de plaintes mettant en cause des agents publics reçues par le médiateur de la République ont augmenté de 56,5 %. C’est ce que révèle le rapport annuel qui doit être dévoilé ce jeudi, et dont Jeune Afrique a obtenu copie.

Tribunal de Bamako (archives). © Renaud Van Der Meeren / Les Editions du Jaguar

Tribunal de Bamako (archives). © Renaud Van Der Meeren / Les Editions du Jaguar

Publié le 30 mai 2019 Lecture : 3 minutes.

C’est un tableau inquiétant qui dresse le rapport 2018 du médiateur de la République, dont les contenu doit être rendu public ce jeudi à Bamako (voir rapport complet ci-dessous). En 2018, les services de Baba Akhib Haidara, le médiateur de la République ont reçu 454 plaintes, contre 290 en 2017. Soit une augmentation de 56,5% en un an. Dans le détail, sur ces 454 saisines, l’instance a retenu 210 dossiers qui seront transmis aux ministères compétents, charge ensuite à ceux-ci d’engager ensuite d’éventuelles démarches judiciaires.

« La prestation des services publics est en deçà des attentes et est, à la limite, défectueuse, sinon absente » n’a pu que constater le président Ibrahim Boubacar Keita, le 28 mai, lorsqu’il a reçu le rapport des mains de Baba Akhib Haidara, le médiateur de la République. Le président malien a également dénoncé des « comportements qui sapent la confiance dans les relations entre l’Administration et les usagers des services publics ».

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Assurant qu’il « tolère de moins en moins que, par la faute de certains agents, le discrédit soit jeté sur toute l’administration dont certains agents s’acquittent correctement de leur tâche », il a également reconnu que « des pratiques corruptives perdurent et minent la conscience citoyenne ».

Les litiges fonciers au cœur des préoccupations

 © DR / Médiateur de la République du Mali

© DR / Médiateur de la République du Mali

Les litiges fonciers, qui représentent un tiers des plaintes déposées, sont en tête de liste de celles qui ont été retenues en vue de poursuites ultérieures. Ils pèsent pour un peu plus de 40% du nombre total de plaintes qui ont été retenues.

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« Certains agents publics des collectivités territoriales et des services publics intervenant dans le foncier, en complicité avec certains chefs de village ou habitants du village, dépossèdent l’ensemble des villageois de champs de culture, seule ressource de survie du village, pour les vendre à des opérateurs économiques qui s’y adonnent à des spéculations immobilières plus ou moins licites », détaille le rapport. Et de mettre en garde sur le fait que « souvent, l’implication des hommes politiques est décriée dans les conflits fonciers qu’ils exacerbent par des agissements partisans ».

Les dysfonctionnements du système judicaire sont également l’objet d’une part non négligeable des plaintes déposées. « Les réclamations relatives à la justice sont de l’ordre de 18,63% », précise le rapport, qui cite, parmi les motifs de plaintes, « la lenteur observée dans des procédures judiciaires », ainsi que des décisions de justice non exécutées ou encore l’absence de délivrance des documents permettant l’exécution effective d’une décision de justice.

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Marchés publics et retard de paiements

 © DR / Médiateur de la République du Mali

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En troisième position dans l’ordre des dysfonctionnements observés, les réclamations portant sur le versement et le calcul du montant des pensions – 11,76% de l’ensemble des plaintes déposées auprès du médiateur de la République.

Autre sujet pointé par le médiateur de la République, les plaintes concernant les contrats publics et passation de marchés publics – 10,29% du nombre total de plaintes. Le non-paiement des factures par les services de l’Etat est en particulier en forte hausse, selon le rapport.

« Ces administrations pour la plupart des cas opposent au Médiateur de la République le refus de payer ces différentes factures en évoquant le non-respect par les fournisseurs de biens et de services de la procédure de passation des marchés publics », explique le rapport, tout en instant : « Il se trouve que c’est l’Administration elle-même qui a sollicité le concours de ces opérateurs économiques ».

Renforcer les sanctions

Le médiateur de la République recommande donc, « pour une meilleure gestion des Finances publiques et pour un maintien de la crédibilité de l’État », de renforcer les sanctions « à l’endroit de tous ceux qui transgressent la réglementation principalement les agents des Services Publics ».

Les autres plaintes recensées dans le rapport sont liées à la gestion des carrières des agents publics ou encore la non reconnaissance des diplômes par l’État ou les difficultés d’accès aux études universitaires.

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Ce rapport n’aborde les questions de corruption que de manière incidente, en particulier dans la section portant sur les mitiges fonciers. En 2017, le bureau du vérificateur général avait pour sa part mis en exergue des irrégularités financières d’un montant total de 23,28 milliards de FCFA, dont 6,96 milliards au titre de la fraude et 16,32 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion. Le Mali, en 32e position dans l’Indice de perception de la corruption 2018 de Transparency International a sur ce front, également, encore beaucoup à faire.

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