Tunisie : confusion après l’élection de Youssef Chahed à la présidence de Tahya Tounes

Ce week-end, Youssef Chahed a été officiellement élu président de Tahya Tounes, un parti lancé en janvier par ses supporters. Cette désignation ajoute à la confusion politique actuelle, le chef du gouvernement entretenant toujours le flou quant à sa candidature au scrutin présidentiel de novembre prochain.

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien. © Ons Abid pour JA

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien. © Ons Abid pour JA

Publié le 2 juin 2019 Lecture : 3 minutes.

Un ancien pilier du régime du président déchu Zine el Abidine Ben Ali, Kamel Morjane, a été quant à lui élu président du Conseil national du parti lors de la première réunion de cet organe samedi, a précisé Ali Baccar, l’attaché de presse du parti. Le conseil sera chargé de choisir les candidats pour la présidentielle de novembre et les législatives d’octobre. Selim Azzabi reste par ailleurs secrétaire général de la formation.

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Ces désignations, qui interviennent à la veille de la fin de ramadan, une période généralement très calme au niveau politique, lève un peu le voile sur les intentions de Youssef Chahed. Désormais, il est certain qu’il mise sur une longévité en politique. Néanmoins, la position du chef de l’exécutif intrigue. Il n’a officiellement pas quitté Nidaa Tounes, sa formation d’origine, où son adhésion avait été gelée pour désaccord avec le directeur exécutif, Hafedh Caïd Essebsi, puis dégelée à la faveur du congrès d’avril.

Présidentielle : Youssef Chahed ira, ira pas ?

Le chef du gouvernement n’a pas non plus exprimé ses intentions de candidature aux élections, tout en se donnant une visibilité médiatique de plus en plus importante. « En six mois, il s’est déplacé bien plus sur le terrain que durant les deux précédentes années de son mandat », remarque un journaliste de l’agence Tunis Afrique Presse (TAP). Certains dénoncent cette attitude de Chahed, qui dispose de la couverture des médias et des moyens publics, et qu’on soupçonne de faire ainsi campagne sans afficher ses intentions.

D’autres estiment que Chahed ne sera pas candidat à la présidence, mais que Tahya Tounes présentera à ce poste Kamel Morjane

D’autres estiment qu’il ne sera pas candidat à la présidence, mais que Tahya Tounes présentera à ce poste Kamel Morjane (70 ans) – d’où la récente fusion de son mouvement, El Moubadara, avec Tahya. Actuel ministre de la Fonction publique, cette figure de l’ancien régime, en retrait pour des raisons de santé, aurait toute latitude pour rappeler Chahed à la Kasbah. Une manière pour Tahya Tounes, deuxième formation à l’Assemblée par le jeu du nomadisme parlementaire, d’avoir en main l’exécutif et la présidence. Mais tout cela ne reste que spéculations, dans l’attente d’une annonce de Youssef Chahed qui tarde à venir. L’intéressé n’a pas prévu de quitter son poste de Premier ministre d’ici aux élections, ont indiqué des membres du parti à l’AFP.

Confusion politique

« À entretenir le suspens, il prend du retard, excède l’opinion mais aussi les supporters de Tahya Tounes, un parti qui a été construit autour de lui », explique Ilhem, une militante qui en fait son challenger. Une expectative qui pourrait desservir un chef du gouvernement rattrapé par son bilan : la Tunisie n’a connu qu’une croissance de 1,1 % au premier trimestre 2019, un déficit budgétaire de 9,3 % du PIB – contre 6,3 % en 2018 – , ainsi qu’une inflation à 6,9 % et des avoirs en devises couvrant 74 jours d’importation.

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Le silence de Chahed ajoute également à la confusion de la situation politique. Nommé par le président de la République sous la bannière de Nidaa Tounes, il demeure en poste en tant que président d’une autre formation. « Moralement, il ne peut plus diriger le gouvernement. Comment le croire quand il dit que la patrie est au-dessus des partis ? », s’interroge un ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, qui dénonce un conflit d’intérêt.

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Dans une moindre mesure, rappelons que Zied Ladhari, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, est aussi secrétaire général d’Ennahdha. D’autres s’étonnent du mutisme de l’Assemblée face à cette manœuvre et rappellent que Selim Azzabi assurait à Jeune Afrique que Chahed, pris par ses obligations, « n’a donc pas de temps à consacrer à Tahya Tounes ».

Rached Ghannouchi, président de la formation à référentiel islamique Ennahdha, s’est exprimé dimanche soir en conditionnant son soutien au gouvernement à l’engagement de Chahed à ne pas être candidat à la présidentielle. « S’il annonce sa candidature, ça sera une situation différente qui nécessite réflexion », a-t-il immédiatement ajouté. Hatem Boulabiar, membre du conseil de la Choura d’Ennahdha, a renchéri sur les réseaux sociaux pour réaffirmer : la première condition du soutien du parti à la colombe au gouvernement est que ni ses membres ni son président ne soient concernés par les prochaines élections – ce qui vaut également pour Kamel Morjane.

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