Sida : la pandémie est-elle partie de Kinshasa en 1920 ? 5 questions sur une étude

La pandémie de sida a-t-elle pour origine Kinshasa, ou Léopoldville, dans les années 20 ? C’est en tout cas ce que conclut une étude des universités d’Oxford et de Louvain, publiée dans la revue « Science » jeudi.

Représentation artistique du virus du sida. © AFP

Représentation artistique du virus du sida. © AFP

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Publié le 3 octobre 2014 Lecture : 4 minutes.

On en sait un peu plus sur l’origine de la pandémie de sida. Des chercheurs viennent en effet, selon eux, de reconstituer le cheminement du virus du Sida, responsable de 75 millions d’infections et de 36 millions de décès dans le monde. Paru dans la revue Science, et menée par des chercheurs des universités d’Oxford et de Louvain, l’étude, basée sur la génétique et la biogéographie désigne Kinshasa, ou plutôt Léopoldville à l’époque, comme origine de la propagation du rétrovirus.

>> Lire aussi : "Sida : six choses à savoir sur l’évolution de l’épidémie en 2013"

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Voici, en cinq questions, ce que les conclusions des scientifiques apportent.

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Comment a-t-on désigné Kinshasa ?
Comment le virus est-il passé du singe à l’homme ?
Comment le virus s’est-il répandu en Afrique ?
Comment le virus a-t-il gagné les autres continents ?
Quelles théories cette étude contredit-elle ?

Comment a-t-on désigné Kinshasa ?

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Pour aboutir à l’origine géographique du virus, les chercheurs ont reconstitué le parcours génétique et géographique du rétrovirus VIH en se concentrant sur la souche du groupe M, la plus fréquente.

"Pour la première fois, nous avons analysé toutes les données génétiques disponibles en recourant aux dernières techniques phylogéographiques pour estimer statistiquement l’origine du virus", explique le professeur Oliver Pybus du département de zoologie d’Oxford, l’un des principaux auteurs de l’étude.

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La phylogéographie est l’étude des principes et processus qui gouvernent la distribution des lignes généalogiques. En clair, elle permet d’avoir une vue d’ensemble des phénomènes historiques, au niveau génétique et démographique, qui ont conduit à la distribution actuelle d’une population.

"Nous pouvons ainsi dire avec un degré élevé de certitude d’où et quand la pandémie est partie", a-t-il dit. Les résultats de ces travaux, qui prennent en compte les souches responsables des nouvelles infections, leur origine génétique et leur répartition géographique, suggèrent que l’ancêtre commun du VIH est "très probablement" apparu à Kinshasa vers les années 1920.

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Comment le virus est-il passé du singe à l’homme ?

Les virologues estiment que le rétrovirus a été transmis des singes à l’homme au moins à treize reprises. Toutefois, une seule de ces transmissions serait responsable de la pandémie chez l’humain, la théorie la plus communément admise étant celle de la viande de brousse. Le "patient zéro" serait un chasseur du bassin du Congo, couvrant à la fois le Congo belge, le Congo-Brazzaville et le Cameroun, ayant subi une morsure par un singe infecté, une écorchure consécutive au dépeçage de la proie ou ayant consommé une viande insuffisamment cuite.

Le virus se serait ensuite répandu le long du fleuve Congo jusqu’à atteindre Kinshasa, à l’époque Léopoldville, grande ville facilitant la transmission, en raison de sa grande population et de sa position de hub, notamment en ce qui concerne le réseau ferroviaire naissant.

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Comment le virus s’est-il répandu en Afrique ?

Les analyses des chercheurs laissent penser qu’entre les années 1920 et 1950, une combinaison de facteurs, dont l’urbanisation rapide, la construction des chemins de fer au Congo belge, ainsi que des changements dans le commerce du sexe, a favorisé l’émergence et la propagation du sida à partir de Léopoldville.

"Les informations des archives coloniales indiquent qu’à la fin des années 40, plus d’un million de personnes transitaient par Kinshasa par le train chaque année", explique Nuno Faria, de l’Université d’Oxford. "Nos données génétiques nous disent aussi que le virus VIH s’est propagé très rapidement à travers le Congo, d’une superficie équivalente à l’Europe de l’Ouest, se déplaçant avec des personnes par les chemins de fer et les voies d’eau", souligne-t-il.

Selon ces données, le VIH aurait atteint Mbuji-Mayi et Lubumbashi dans l’extrême Sud et Kisangani dans le Nord entre la fin des années 30 et le début des années 50. Les premiers foyers se sont ainsi créés dans des villes qui disposaient de bons réseaux de communication avec les pays du sud et de l’est du continent.

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Comment le virus a-t-il gagné les autres continents ?

Né dans le bassin du Congo, le virus a ensuite voyagé d’un continent à l’autre. Selon Gilles Pialoux, auteur de "Sida 2.0" et chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon, à Paris, le virus aurait été introduit en Haïti en 1966, puis en l’Amérique du Nord en 1972, et enfin en Europe à la fin des années 1970 ou au début des années 1980.

Dès 1981, la première description du nouveau syndrome du sida par Mike Gottlieb dans le "Morbidity Mortality Weekly Report" avait évoqué la très grande fréquence de la maladie parmi les immigrés haïtiens aux États-Unis.

Dans une étude parue en 2007, le chercheur américain Michael Worobey propose également le même cheminement. Sa conclusion est sans équivoque : surgi d’Afrique, le virus s’est développé à Haïti entre 1962 et 1970. Puis une variation a émergé aux États-Unis, véhiculée depuis Haïti par une seule personne en 1969.

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Quelles théories cette étude contredit-elle ?

La "contre-théorie" des origines du sida qui connaît probablement la plus grande audience est celle du vaccin anti-polio oral de Hilary Koprowski. Le journaliste Edward Hooper suggère ainsi en 1999 que l’introduction du VIH dans la population humaine est due à un vaccin antipoliomyélique oral, administré à environ un million de personnes par le docteur Hilary Koprowski entre 1957 et 1960 dans l’ex-Congo Belge. Selon lui, les premiers vaccins de ce type ont été "produits à l’aide de cellules de chimpanzés du camp Lindi contaminées par le virus du sida du singe".

"Le virus du Sida est si différent de par sa structure de tout autre virus qu’il ne peut absolument pas avoir été formé par notre mère, la Nature", affirme quant à lui le Dr Robert Strecker. Ce pathologiste américain soutient que le Sida est un virus fabriqué par l’homme, et plus spécifiquement par le gouvernement américain. Selon le Dr Léonard Horowitz, diplômé de santé publique de Harvard, les agents de Santé des USA, auraient même propagé les germes pathogènes via des campagnes de vaccination menées parallèlement en Amérique et en Afrique, et ce, avec la complicité de l’Organisation mondiale de la santé.

L’avocat en Droits humains internationaux, Boyd Graves, a quant à lui porté plainte contre l’État fédéral américain pour obtenir des excuses du gouvernement. Il soutient que les autorités ont "fabriqué" puis "diffusé" le virus du sida à travers un projet de recherche secret, le "U.S. Special Virus program" de 1948 à 1978. L’avocat a déclaré : "On comprend mieux pourquoi les Noirs comptent pour 13% de la population et 50% des cas de personnes frappées par le sida".

Selon d’autres théories, cette arme bactériologique aurait été inoculée lors de campagnes de vaccination à l’encontre des homosexuels. Des scientifiques affirment ainsi que l’épidémie a éclaté à Manhattan en 1978, à la suite d’une campagne contre l’hépatite B pratiquée sur des homosexuels avec un vaccin infecté par le sida.

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Par Mathieu OLIVIER

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