Gabon : Minkébé, dernière frontière sauvage
Le parc national de Minkébé est l’un des rares à être inhabité. Afin de préserver ses richesses, les brigades de la jungle ne doivent jamais baisser la garde.
L’hélicoptère vole si bas qu’il en frôle presque la cime des arbres. Majestueux et fiers, ceux-ci semblent sourds au vacarme de l’appareil. Indifférents aussi à l’émerveillement des occupants de l’engin, grisés par le magnifique coucher de soleil sur la canopée, enivrés par l’infini océan vert du parc de Minkébé. Depuis l’habitacle de l’appareil, on aperçoit les ombres furtives de singes allant d’une liane à l’autre. Çà et là, des clairières marécageuses ou les méandres d’un cours d’eau donnent au manteau vert l’aspect d’une toile tailladée par une main peu habile.
Pourtant, de là-haut, nulle trace d’empreinte humaine. Pas de feux de brousse, cette pratique de l’agriculture itinérante sur brûlis, particulièrement dommageable pour la biodiversité. Pas de chantiers d’exploitation forestière non plus. Les coupes ont lieu ailleurs. Ici, les arbres (dont certains, bicentenaires, culminent jusqu’à 50 m de haut) sont protégés par le statut de parc national.
Et celui de Minkébé est totalement inhabité depuis le départ des Fangs, l’ethnie qui peuple le Woleu-Ntem. Après des années de guerres tribales entre clans rivaux, ils ont déserté la jungle pour les villages, pendant la colonisation.
Dans cette forêt vierge de 8 000 km², nichée dans le nord-est du Gabon, à cheval entre les provinces du Woleu-Ntem et de l’Ogooué-Ivindo, palpite le coeur du bassin du Congo. C’est le deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie.
Seul regret en survolant Minkébé au crépuscule, il est rare de pouvoir distinguer les troupeaux de pachydermes. C’est pourtant l’heure où ils viennent étancher leur soif au bord des marais et des rivières avant d’aller affronter les périls de la nuit. Le parc et sa périphérie abritent une population d’éléphants de forêt estimée à 30 000 individus. Un patrimoine inestimable.
Incapables de vivre hors de la jungle primaire, bien plus difficiles à observer et à protéger que leurs cousins des savanes, ils sont placés sous la haute surveillance des "brigades de la jungle" mises en place par l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN).
Car les éléphants de Minkébé vivent sous la menace d’un danger qui peut surgir à tout moment, de jour comme de nuit. Leurs dangereux prédateurs n’ont pas d’états d’âme. Les chasseurs-tueurs professionnels venus de l’extérieur du Gabon, les braconniers massacrant des troupeaux entiers de pachydermes pour prélever leurs précieuses défenses, ne s’inquiètent pas de la survie de l’espèce.
Acheté 40 euros, le kilo d’ivoire est revendu 120 euros par les trafiquants, avant d’être négocié jusqu’à 3 000 euros sur les marchés asiatiques. Malgré l’interdit mondial, la hausse de la demande d’ivoire se poursuit et les prix continuent de flamber… Entre 50 et 100 éléphants sont tués chaque jour, selon les estimations faites par les autorités du parc en 2011.
Les éco-gardes impuissants
Ces dernières années, Minkébé a également enregistré une augmentation considérable de l’activité humaine autour de l’une de ses aires protégées. Celle-ci a la particularité de receler un gisement d’or alluvionnaire qui a déclenché l’afflux d’aventuriers en tout genre… Résultat, d’un petit camp de 300 mineurs artisanaux on est vite passé à plus de 5 000 mineurs, braconniers, trafiquants d’armes et de drogue installés – sans droit ni permis, évidemment – dans un campement sauvage.
Face à ces bandes organisées lourdement armées, les éco-gardes sont impuissants. L’État n’a donc pas eu d’autre choix, l’année dernière, que de faire intervenir une unité de parachutistes pour bouter orpailleurs et trafiquants hors du parc. Les intrus partis, la nature a repris ses droits.
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