Pollution : il faut sauver le Gange !

Le nouveau Premier ministre, Narendra Modi, a fait de la dépollution du fleuve sacré l’une de ses priorités. Mais en la matière, la liste des échecs est longue…

Des déchets jonchent les bergent du Gange. © Sanjay Kanojia / AFP

Des déchets jonchent les bergent du Gange. © Sanjay Kanojia / AFP

Publié le 3 août 2014 Lecture : 2 minutes.

"Cela fait deux mois que Modi est élu et on perçoit déjà des changements à Varanasi [l’autre nom de Bénarès] : l’électricité fonctionne presque en continu, les ghats [gradins qui descendent vers le fleuve] sont plus propres… À présent on espère qu’il va tenir ses promesses et nettoyer le Gange !" Comme Amit, vendeur de boissons, les habitants de la ville comptent sur Narendra Modi pour que le fleuve sacré, l’un des plus pollués au monde, soit bel et bien "sauvé".

Les chances de rédemption n’ont jamais été aussi élevées : nationaliste hindou, le nouveau Premier ministre a fait de ce défi titanesque l’une de ses priorités. "Modi veut faire du Gange le symbole de sa réussite, souligne un rédacteur en chef du quotidien DNA. Il sait qu’il est attendu au tournant."

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Les grandes manoeuvres ont déjà commencé. Dévoilé le 10 juillet, le budget national prévoit d’attribuer 340 millions de dollars (250 millions d’euros) à cette "Ganga Mission". Voilà pour l’enveloppe. Pour le contenu, le gouvernement consulte. Le 7 juillet, il a réuni experts, scientifiques, ONG et religieux pour débattre du sujet. Sept écoles d’excellence, les Instituts indiens de technologie, planchent sur un plan de sauvegarde du fleuve qui doit être présenté fin août. "Cette mission englobe aussi la dépollution de la Yamuna, principal affluent du Gange. Car l’un ne va pas sans l’autre", a indiqué Uma Bharti, la ministre des Ressources hydrauliques.

4 milliards de dollars pour dépolluer le Gange

Réjouissantes, ces bonnes résolutions n’en ont pas moins un air de déjà-vu. En vingt-huit ans, les gouvernements successifs ont dépensé 4 milliards de dollars pour dépolluer le Gange. Las, toutes les tentatives ont échoué, à commencer par l’ambitieux Ganga Action Plan (GAP), décidé en 1985, puis par le GAP 2, de 1993 à 1996. En 2009, la création de l’Autorité nationale du bassin du Gange (NGRBA) n’a pas donné plus de satisfaction. Cet organisme associant le gouvernement central, les États indiens traversés par le fleuve et la société civile vise l’élimination de tout rejet d’eau non traitée d’ici à 2020 (un projet auquel la Banque mondiale a contribué à hauteur de 1 milliard de dollars).

Mais à six ans de l’échéance, on est loin du compte. Sur les 3 milliards de litres d’eaux usagées rejetées tous les jours dans le fleuve, un tiers seulement est traité. À Kanpur, les 400 tanneries de la ville rejetteraient 50 millions de litres de déchets par jour, dont seuls 9 millions seraient traités, selon l’ONG Eco Friends.

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Mais pour le professeur Brahma Dutt Tripathi, expert membre de la NGRBA, "le principal problème reste celui de la baisse de débit causée par les systèmes d’irrigation et la construction de barrages et de canaux". Si le flux du Gange était accru, estime-t-il, "près de 60 % de la pollution pourrait être diluée". Le gouvernement prendra-t-il ce problème à bras-le-corps ? Alors que de nombreux projets de centrales hydroélectriques sont prévus, il est permis d’en douter.

Et qu’en sera-t-il de son attitude face à la corruption et à l’absence de coordination, responsables en grande partie des échecs précédents ? Là encore, le professeur Tripathi s’interroge : "En 2008, le Gange a obtenu le statut de fleuve national, mais les cinq États qu’il parcourt ont continué de travailler chacun dans son coin, et l’utilisation des fonds attribués par le gouvernement central n’a en aucune manière été contrôlée." Devenu une priorité nationale, le Gange sera-t-il mieux… traité ?

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