Surpêche : le chambo, poisson mythique du lac Malawi, en voie d’extinction
Le lac Malawi était autrefois connu comme un lieu de pêche miraculeux, notamment grâce au chambo. À cause de la surpêche, ce poisson mythique, qui hante les hauts-fonds depuis des millénaires, est gravement menacé d’extinction. Une catastrophe écologique dont les conséquences se font déjà sentir sur l’économie locale.
Edward Njeleza est un pêcheur, aujourd’hui partiellement reconverti dans la fabrication d’objets de perle. Il affirme que ses prises ont chuté de 90% ces dix dernières années. À l’époque, dit-il, ses neuf équipiers et lui ramenaient jusqu’à 300 kg de poisson par jour. Ils peinent aujourd’hui à en pêcher 25 kg. "Autrefois, on passait deux heures par jour sur le lac et on revenait avec un bateau plein, maintenant, on y passe 12 heures et on ramène moins qu’avant".
Selon William Chadza, directeur du Centre pour la défense et la politique de l’Environnement, basé à Blantyre, "les principales raisons de la disparition des stocks, particulièrement du chambo, sont la surpêche et la dégradation des eaux, en raison de facteurs dus au changement climatique".
Droit à la catastrophe
L’incapacité du gouvernement à faire respecter des saisons de pêche, qui permettraient aux poissons de se reproduire, est également citée parmi les facteurs aggravants. "C’est une bataille que nous perdons", admet Gervaz Thamala, président de la Société pour la Nature et l’Environnement du Malawi. Les lois pour protéger le poisson existent, affirme-t-il, "mais le principal problème c’est la gouvernance : [faire respecter] ces lois est un défi, pour le moment".
"Nous allons droit à la catastrophe", met-il en garde, "l’extinction totale du chambo est maintenant une possibilité, parce que nous n’avons pas développé le secteur de l’aquaculture, qui pourrait servir à compenser les pertes dans une telle situation".
Des pêcheurs malawites tirent un filet de pêche sur les rives du Lac Malawi, près de Mangochi à l’est du pays, le 18 mai 2014. © Amos Gumulira/AFP
Plus loin sur le lac, Dogo Morris est le patron d’une équipe de dix pêcheurs, occupés à remonter leurs filets lancés six heures auparavant. Le filet est halé sans efforts… il a capturé à peine dix kilos de petits alevins.
"Je n’ai rien à vendre", lance-t-il à une douzaine d’acheteurs potentiels qui rebroussent déjà chemin. Parmi eux, Raymond Johnson, fournisseur de plusieurs hôtels et restaurants dans la grande ville de Blantyre. Il attend depuis trois jours des arrivages massifs de chambo. En vain. "Mes affaires vont mal, mes revenus ont chuté de 45 à 50%", affirme ce grossiste, qui fait régulièrement le voyage vers le lac pour acheter le chambo par centaines de kilos, avant de le revendre à ses clients.
Les pêcheurs s’organisent comme ils peuvent pour trouver des substituts à leur activité, avec le tourisme et l’artisanat. En l’absence d’une prise de conscience plus globale, difficile de faire marche arrière.
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