Football : Moussa Sow, le Franco-Sénégalais qui a lancé la CAN des quartiers
Les unes après les autres, les villes de la banlieue parisienne organisent leur propre Coupe d’Afrique des nations (CAN). Un phénomène qui étonne encore Moussa Sow, initiateur du mouvement un peu malgré lui.
À une semaine du coup d’envoi en Égypte, la fièvre de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) a déjà gagné la région parisienne. Le Maroc, la RDC, le Cameroun ou encore le Sénégal s’affrontent dans une ambiance survoltée, d’Aulnay-sous-Bois à Evry en passant par Mantes-la-Jolie. Entre gestes techniques improbables et envahissements de terrain, les vidéos postés sur les réseaux sociaux font le buzz. À tel point que les joueurs amateurs, issus de la diaspora, ont même reçu le soutien des pros, comme Didier Drogba, Karim Benzema ou le champion du monde Benjamin Mendy.
Ces villes se seraient-elles toutes donné le mot pour organiser leur propre Coupe d’Afrique des nations, avant le lancement de l’originale ? En réalité, le phénomène a un peu pris de court Moussa Sow. Ce Franco-Sénégalais de 26 ans, habitant de Créteil et employé de la Croix-Rouge, n’avait pas imaginé que son idée se transformerait en un quasi-phénomène de société. Rencontre.
Jeune Afrique : Pas un jour ne passe sans qu’une nouvelle « CAN des quartiers » ne soit créée dans la banlieue de Paris, ou même dans celles de Lyon et de Nancy. À l’origine, c’était votre idée ?
Moussa Sow : Au départ, c’était juste un petit tournoi entre amis, dans notre quartier des Bleuets, à Créteil. Après avoir regardé ensemble un Clasico, on a décidé de rejouer le match entre supporters du Real Madrid et du Barça. Puis on a commencé à organiser des compétitions, et on s’est rapidement dit qu’il faudrait former plus d’équipes, l’élargir à toute la ville. Le problème, c’est qu’il peut y avoir des tensions entre les différents quartiers… Nous ne voulions donc pas les opposer. Comme les diasporas africaines sont très présentes ici, on a pensé au concept de la CAN, en créant des équipes en fonction de la nationalité de nos parents.
Quand le Sénégal ou le Maroc l’emporte, c’est d’abord le vivre ensemble qui gagne, sous la bannière du pays vainqueur
La compétition se déroule donc entre pays africains ?
Ce n’est pas vraiment l’esprit de notre projet, que nous avons baptisé « Tournoi du vivre ensemble ». Quand une des huit équipes [Algérie, Cameroun, Guinée, Mali, Maroc, RD Congo, Sénégal et Tunisie] l’emporte, c’est d’abord le vivre ensemble qui gagne, sous la bannière du pays vainqueur. À chaque fois qu’un joueur marque un but, tous les spectateurs, quelle que soit leur nationalité ou celles de leurs parents, envahissent le terrain pour le prendre dans leurs bras. Les gens ne supportent pas une équipe en particulier. C’est ce qui fait le charme de notre tournoi.
https://www.facebook.com/Tournoiduvivreensemble/photos/a.1235496189950789/1258969690936772/?type=3&theater
Des milliers de supporters qui viennent assister aux matchs et des milliers d’autres qui le suivent en ligne… Vous attendiez-vous à un tel succès ?
La dernière fois que Créteil a vibré comme ça, c’était quand le Sénégal et le Cameroun se sont affrontés dans le stade de la ville pour un match amical en 2005. Ça fait vraiment plaisir d’avoir pu recréer cette atmosphère incroyable. Notre but, c’est de faire parler de la banlieue de manière positive, pour une fois. Comme Ladji Doucouré [champion du monde français d’athlétisme] nous a encouragé à le faire, nous voulons montrer que nous pouvons organiser des événements, sans aucune aide. Et nous avons réussi, on nous a pris au sérieux. C’est la première fois depuis longtemps qu’on ressent quelque chose comme ça.
Ça a gagné toute la ville
Comment avez-vous vécu cet engouement ?
Ça m’a vraiment dépassé, c’était même stressant. Surtout, à partir des demi-finales, où c’est vraiment monté en puissance. Je voulais que les joueurs créent du lien entre eux, et en fait ça a gagné toute la ville. Tout le monde en parle, on m’arrête dans la rue pour me proposer des idées. On m’a suggéré d’organiser un tournoi féminin, ou même une compétition pour les enfants.
Et votre CAN a rapidement gagné d’autres villes…
Oui, ça s’est fait très vite. Des habitants d’autres villes ont vu notre affiche sur les réseaux sociaux, et ils ont tout de suite voulu nous imiter. Ça nous a fait très plaisir, d’ailleurs nous partageons toutes les initiatives qui se mettent en place.
https://www.facebook.com/Tournoiduvivreensemble/videos/344065646297368/
On parle même d’un futur tournoi qui rassemblerait toutes ces « CAN des quartiers ». Où en est ce projet ?
C’est une idée qui m’a tout de suite paru logique. Nous en avons discuté avec les organisateurs d’Evry, de Clamart, d’Aulnay… Mais maintenant il y a tellement de tournois ! Pour l’instant, j’ai surtout envie de décompresser.
Nous avons reçu le soutien de joueurs qui participeront à la vraie CAN en Égypte, comme Mehdi Benatia et Riyad Mahrez
Êtes-vous suivi en Afrique ?
Oui, certains médias du continent, et notamment des télévisions du Maghreb, sont venus assister aux matchs. Nous avons reçu énormément de messages de soutiens du Sénégal, du Mali, du Gabon… Les gens nous disent qu’ils sont heureux de voir que nous sommes français mais que nous n’hésitons pas à montrer que nous sommes aussi africains, que nous sommes fiers de notre double nationalité. La compétition a d’ailleurs été l’occasion de recueillir 25 000 euros de dons avec l’association Ummanité pour construire des puits dans onze villages maliens.
Vous avez aussi reçu des messages de footballeurs professionnels…
Oui, nous sommes même soutenus par des joueurs qui participeront à la vraie CAN comme Mehdi Benatia ou Riyad Mahrez ! Ça nous a beaucoup encouragé, de voir que des professionnels nous suivaient, nous félicitaient. Et qui sait, peut-être que le Maroc, vainqueur de la CAN de Créteil, sera le champion de cette année en Égypte !
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