[Tribune] Report des législatives au Mali : la démocratie matraquée
Initialement prévues en octobre 2018, les élections législatives ont été reportées sine die et le mandat des députés prorogé de six mois. Mais à quelques jours de la fin de cette prolongation, tout porte à croire que le scrutin sera de nouveau reporté.
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Ibrahima Sangho
Président de l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali. Journaliste, il est également à la tête du Pool d’observation citoyenne du Mali (Pocim), qui a déployé plus de 2 000 observateurs lors des deux tours du scrutin présidentielle de 2018.
Publié le 6 juin 2019 Lecture : 3 minutes.
À quelques jours de la fin de la prorogation légale de l’actuelle législature, aucun acte du gouvernement ne montre la volonté réelle de tenir les élections législatives afin de régler la question de la légalité et de la légitimité de l’Assemblée nationale au Mali.
Les engagements pris par l’État malien à travers la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et le Protocole de la Cédéao sur la démocratie et la bonne gouvernance qui prescrivent le respect de la durée des mandats électifs politiques et la tenue régulière des élections « aux dates ou périodes fixées par la Constitution et les lois électorales », restent des chimères. Le droit à l’information et au principe de transparence, est mis entre parenthèses.
La légitimité des élus écornée
Initialement prévues pour les 28 octobre et 18 novembre 2018, les élections législatives qui devaient consacrer le renouvellement du mandat des députés à l’Assemblée nationale, ont fait l’objet d’un premier report pour les 25 novembre et 16 décembre 2018. Un deuxième report, suite à l’avis de la Cour constitutionnelle du 12 octobre 2018, a ensuite ouvert la voie à une prorogation de six mois du mandat de la législature en cours. La légitimité des élus de la Nation s’est trouvée écornée.
Un chronogramme a été élaboré par le ministère de l’Administration territoriale pour la tenue des élections législatives en juin 2019.
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Le décret portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale pour l’élection des Députés à l’Assemblée nationale était prévu pour le 3 avril. Celui portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne pour le référendum était prévu pour le 8 mai 2019. Le déroulement du scrutin couplé pour le référendum et le premier tour de l’élection des députés a été annoncé pour le 9 juin 2019… Mais, c’était du beurre au soleil.
Un scrutin considéré comme non prioritaire
Le nouveau gouvernement dirigé par Dr Boubou Cissé, nommé le 22 avril 2019, a été formé le 5 mai 2019. Auparavant un Accord politique, signé le 2 mai avec certains partis politiques de l’opposition et les partis politiques de la majorité, stipule un chapelet d’objectifs. L’organisation des prochaines élections législatives, et tous autres scrutins qui s’imposent, figure certes dans l’accord, mais pas au rang de priorité pour un gouvernement dit « de mission ».
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Et ce n’est malheureusement pas une première. Les élections communales étaient ainsi prévues en avril 2014, mais se sont finalement tenues en novembre 2016. Le gouvernement a pris la décision de prolonger quatre fois de suite le mandat des élus locaux, ce qui leur a donné un mandat de sept ans et sept mois en novembre 2016, au lieu des cinq ans réglementaires.
Autre glissement, celui de la réorganisation territoriale du Mali. Le gouvernement avait procédé, par la Loi du 2 mars 2012, à la création de nouvelles circonscriptions administratives régionales, faisant ainsi passer le nombre de régions de huit à dix-neuf.
Interrogations et inquiétudes
Selon les initiateurs de cette loi, la mise en œuvre de la réorganisation territoriale devait se faire progressivement sur cinq ans à compter de sa date de promulgation. Ce délai est arrivé à expiration le 2 mars 2017, mais, à ce jour, les nouvelles circonscriptions nées de cette réorganisation n’ont pas été érigées en circonscriptions électorales. Les élus des collectivités territoriales concernées sont donc illégitimes depuis 2014, et illégaux depuis 2016.
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Auparavant, ils étaient désignés après les élections communales, comme cela aurait dû être le cas en 2016. Mais avec la modification de la loi concernant le mode de désignation des élus et des présidents des conseils de cercle et des Assemblées régionales, le Haut Conseil des Collectivités Territoriales – l’une des huit institutions de la République – n’a pas été renouvelé depuis.
Ce constat posé ne peut que susciter interrogations et inquiétudes sur ce qui semble être devenu le sport favori des autorités maliennes, à savoir matraquer la démocratie et la Constitution, , alors que le pays s’apprête justement à se doter d’une nouvelle Loi fondamentale.
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