Le nerf de la guerre

Les compagnies de distribution d’électricité peinent à trouver leur rentabilité. Et retardent leurs investissements.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

En Afrique subsaharienne, le courant n’est souvent disponible que dans les centres urbains, et souvent de manière chaotique. Sur une grande partie du continent, de gros efforts d’investissement doivent être consentis pour développer ou réhabiliter les centres de production. Le barrage d’Inga, en RD Congo, ne fonctionne qu’à un tiers de son potentiel, faute d’entretien. Les systèmes de distribution doivent aussi être renforcés, notamment dans les pays où les réseaux ont été endommagés par la guerre, comme en Angola.
Difficile de sortir de cette situation : les compagnies nationales sont trop faibles pour investir, et elles ont du mal à vendre l’électricité produite. La fraude et les branchements illégaux occasionnent parfois des pertes très importantes pour les opérateurs. En Algérie, ils représentent presque 15 % du chiffre d’affaires de la compagnie Sonelgaz. Dans certains pays, elles atteignent 30 % à 40 %. Les fraudeurs vont de la famille démunie au grand industriel. Et il n’est pas rare que certains employés des compagnies d’électricité soient impliqués personnellement dans la mise en place de branchements illégaux, ou dans les « arrangements » trouvés avec les clients indélicats.
Les moyens de lutte contre la fraude sont variés. En Algérie, la Sonelgaz va investir sur trois ans pour remplacer des millions de coffrets de dérivation par des connecteurs isolés, physiquement inaccessibles. Les mesures prises sont parfois plus brutales : aux Comores, alors que la compagnie nationale d’eau et d’électricité est agonisante du fait des impayés, l’État a décidé de réagir. En novembre dernier, une villageoise a été condamnée à douze mois de prison dont deux mois ferme, et un jeune garçon à treize mois dont un mois ferme, pour « soustraction frauduleuse de courant électrique ».
Les opérateurs privés sont devenus très réticents à financer de nouvelles infrastructures. Prenant acte de ces dérives, la Banque mondiale a changé de stratégie pour accorder des prêts et encourager les investissements. Depuis le début des années quatre-vingt, elle soutenait les compagnies publiques et encourageait le développement de ressources locales ainsi qu’une amélioration de la productivité. Depuis 1993, elle oblige les pays à rendre leurs compagnies nationales rentables, en augmentant le prix de l’électricité et en luttant contre la fraude. Ce qui permet ensuite de les privatiser. Parallèlement, la Banque mondiale encourage l’interconnexion des réseaux nationaux, rendant possible l’importation d’énergie. Pour appuyer sa stratégie, la Banque mondiale a triplé l’an dernier ses investissements dans les projets électriques en Afrique.
Les différents pays se sont donc lancés dans la privatisation de leurs sociétés nationales restructurées. Mais le bilan est pour l’instant mitigé. Au Niger, les améliorations escomptées par la cession au privé ne se sont pas encore fait sentir. Au Cameroun, l’exaspération des usagers persiste malgré le rachat de la Société nationale d’électricité (Sonel) par le groupe américain AES, car les coupures demeurent très fréquentes. La gestion d’un bien public comme l’électricité ne peut se résumer à des critères strictement économiques. L’éclairage public, l’aide à l’électrification des plus démunis, participent au développement d’un pays. Reste à trouver un plus juste équilibre entre la rentabilité et les impératifs sociaux.

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