Le manuel du parfait G.I.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

On ne lâche pas un G.I. américain en territoire irakien sans prendre de précautions : on le briefe. Aucune consigne stricte, bien sûr, mais quelques conseils de savoir-vivre, rassemblés dans l’indispensable Soldier’s Guide to the Republic of Irak (« Le Guide du soldat en République irakienne »). Distribué avant le début de la guerre à certaines unités américaines, il doit permettre d’éviter un certain nombre d’impairs. On ne sait jamais qui l’on peut rencontrer au détour d’un oued.
Résumons. « Il ne faut jamais tendre la main gauche à un Irakien pour une poignée de main, ce serait lui manquer de respect. Regardez votre interlocuteur droit dans les yeux. » Éviter aussi de « mettre vos pieds sur une table ou [de] montrer la semelle de vos chaussures. Ne pas lancer un O.K. retentissant ou marquer votre approbation en pointant le pouce vers le ciel. » Voilà pour les bases. « Si une conversation s’engage, apprend-on ensuite, le soldat doit s’approcher, se tenir au plus près de son interlocuteur, pas au-delà de 30 centimètres. » Oublié donc le mètre, voire le mètre cinquante qu’« impose » la norme américaine. Bref, résumait le soldat Sloan, interrogé avant le début des opérations par un quotidien de Philadelphie : « Il ne faut jamais rien faire en premier. Le plus sûr moyen de ne pas se tromper est d’imiter. » La méthode est imparable.
Pas question non plus d’aborder des sujets sérieux, « il faut éviter toute discussion pouvant déboucher sur un débat contradictoire ». La religion, par exemple, « est totalement à proscrire, de même que tout prosélytisme ». Si une conversation s’engage et qu’un Irakien demande quelque chose à un soldat, celui-ci « ne doit pas donner de réponses directes par oui ou par non, mais rester évasif en ajoutant qu’il va voir ce qu’il peut faire ». Sauf que l’Irakien pratique lui aussi les réponses « à double sens ». Méfiance. Pour autant, il ne faut « jamais refuser l’hospitalité ». Si le soldat est amené à partager un thé ou un café, « il convient de ne pas accepter plus de trois tasses et de signifier, délicatement, en secouant la tasse et en la rendant, que vous avez suffisamment bu ».
Suivent, pêle-mêle, quelques considérations générales sur l’histoire de l’Irak, l’hygiène, les animaux dangereux ou les pratiques alimentaires et vestimentaires au Moyen-Orient. Avis aux femmes-soldats qui se promèneraient en civil : jupes et shorts sont à éviter. Elles « ne sont pas obligées de se couvrir la tête, explique Sloan, de Philadelphie, mais mieux vaut porter des vêtements simples, et préférer une robe longue à une paire de jeans moulants ». Pour les hommes, poursuit-il, « autant éviter d’engager la conversation avec une femme arabe, parce qu’on ne sait jamais qui est dans le coin ».
D’autres unités d’intervention ont reçu, en sus dudit manuel, des instruments de communication plus sophistiqués. Parmi eux, des traducteurs électroniques, censés faciliter la prise de contact avec les populations ou les interrogatoires de prisonniers. Ils permettent de traduire en arabe ou en kurde un impérieux « Jetez vos armes ! » On trouvera aussi une très utile compilation des « Notions élémentaires de langue irakienne » (Iraqi Basic Language Survival Guide). Et là, c’est le soldat Blake, originaire du Connecticut, qui s’en réjouit, parce que « c’est important de savoir comment dire à quelqu’un de lever les mains en l’air, pour ne pas avoir à le descendre ». Nous voilà rassurés.

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