Islam et modernité : promesses de mariage
Sus aux préjugés. Il est temps de faire un sort aux stéréotypes qui stigmatisent la religion musulmane comme extrémiste et réactionnaire.
Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.
Depuis le 11 septembre 2001, jugements de valeur négatifs et propos malveillants accablent le monde musulman, le stigmatisant comme le nouvel ennemi à abattre. Le débat concernant la relation entre islam et modernité semble être clos. L’islam est défini, a priori, comme antimoderne. Selon certains idéologues occidentaux, l’avenir se dessine sous la forme du choc des civilisations. Le pire est annoncé, le monde musulman serait le « mal » face à l’Occident qui représenterait le « bien ». Falsification de l’Histoire, que nous devons contredire autant par nos actes que par nos paroles. Comme, par exemple : l’islamisme n’est pas l’islam, le terrorisme est un phénomène international et non point propre à une religion ou à une région. Méconnue, la religion musulmane est de plus en plus défigurée, même par certains des siens. Mais qu’est devenu l’authentique savoir en islamologie, comme au temps du grand orientalisme et des savants comme Jacques Berque ? Il est urgent d’analyser sereinement le rapport islam-Occident. Il y va de l’avenir de notre identité, de notre dignité et donc de notre existence même.
L’islam fait face aux défis du monde moderne, qui impose de plus en plus une seule manière de vivre. Laquelle contredit nombre de nos valeurs et principes. Difficultés alourdies par des causes externes : l’ignorance, les aléas de l’Histoire – des croisades aux guerres de colonisation et de décolonisation -, le conflit israélo-arabe, les préjugés sur le Coran, autant de choses qui contribuent à l’incompréhension de l’islam. Des causes « internes », ensuite, qui impliquent la – grande – responsabilité des sociétés musulmanes : atteintes aux libertés, incompétence de la majorité des régimes coupés de leurs peuples, sous-développement, persistance de modes de vie rétrogrades, violence de groupes archiminoritaires qui utilisent la religion et nuisent à l’islam en aggravant ses difficultés.
Aujourd’hui, y a-t-il une différence entre l’islam, le christianisme ou le bouddhisme face à la modernité ? Nombreuses sont les religions qui ont renoncé progressivement à participer au mouvement de l’Histoire, à la formation de l’humain et à la mise en oeuvre d’un projet de société. Elles ont largement succombé aujourd’hui pour se transformer en folklore ou en objets de musée. L’islam, en revanche, continue à orienter de manière vivante et plurielle le comportement d’une personne sur cinq dans le monde. Une part de l’humanité persiste à vivre sans renier ses valeurs religieuses.
Déformé par les siens et par les autres, l’islam se cherche un avenir face aux dérives actuelles. Combattus, humiliés, caricaturés, les musulmans sont appelés à répondre aux agressions non pas en cherchant un retour illusoire à l’âge d’or, mais en évoluant dans le sens de la liberté et du développement, que le monde moderne prétend seul réaliser. Dépassons ce dangereux et faux dilemme d’un choix entre islam et modernité. Il n’y a pas, d’un côté, un monde musulman sclérosé et archaïque, et, de l’autre, un Occident éclairé. A contrario, l’islam n’a pas la solution à tous les problèmes face à un modernisme dans l’impasse.
À l’heure actuelle, la mondialisation présente plus d’inconvénients que d’avantages. Elle assujettit les peuples à la logique du marché – qui crée le chômage et l’injustice sociale -, fragilise gravement les souverainetés nationales et contredit les identités et les valeurs spécifiques. Si la mondialisation libère des énergies et crée des richesses, elle impose en même temps des normes qui remettent en question l’équité entre les peuples sur le plan économique, et la possibilité de penser différemment et d’être autrement sur le plan culturel. Il y a lieu de travailler pour une mondialisation qui prenne en compte les aspirations légitimes des peuples. Le chemin est long.
