Histoire de la « page rose »

Jeune Afrique. Le journal lance une nouvelle rubrique.Il demande à ses lecteurs de l’enrichir avec « des informations originales, des histoires plaisantes, des photos insolites ».

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Bien souvent, alors que nous entreprenions de modifier tel ou tel autre aspect du journal, nous entendions des amis se récrier : « le lecteur n’aimera pas ça ». Et, quelquefois, ils ajoutaient : « ceci ne sera pas du goût des Africains » ; ou encore : « cette page n’est pas suffisamment africaine ». Ces observations nous étaient exprimées par des Européens et, de toute évidence, elles partaient d’excellentes intentions. Comme nous sommes persuadés que le public africain n’a ni les fixations ni les limitations qu’on lui prête, nous passions outre à ces réserves. D’où la naissance de la « page rose » (à partir du n° 126). On nous avait mis en garde contre cette innovation insolite. Or voici qu’en moins d’une semaine nous recevions de nos lecteurs des contributions à cette rubrique brillantes et divertissantes à souhait. Extraits.
Alger : Récemment, le Bureau des biens vacants d’Alger a reçu une curieuse lettre rédigée à peu près en ces termes : « Chers frères, je suis gérant d’une maison de tolérance dont le propriétaire français a quitté l’Algérie depuis plusieurs mois. Je gère honnêtement cette maison et j’envoie les bénéfices de l’entreprise en France, à l’ancien patron. J’ai pensé que notre pays saurait mieux utiliser cet argent et je vous prie de me donner des directives. » […]
Cette lettre touchante a plongé les autorités dans une profonde perplexité. Que faire ? Fermer la maison ? La législation algérienne n’a pas interdit la prostitution et n’a pas l’intention de le faire, du moins dans l’immédiat. Prendre une mesure d’expropriation ? Ce n’est pas conforme aux accords d’Évian, et l’État peut difficilement se charger de la gestion d’activités aussi marginales. Faire désigner un comité de gestion par l’assemblée des travailleurs de l’entreprise ? Là encore, on peut faire des réserves. Bref, l’administration était gênée. Elle prit cependant une mesure conservatoire et répondit :
« Cher frère, nous te félicitons de ton excellente initiative patriotique. Nous pensons aussi qu’il est bon de cesser l’envoi du mandat. Tu ferais oeuvre utile en versant les bénéfices à l’Association des anciens moujahidines. »
– Dakar : un voleur surpris dans son larcin a avalé les 7 000 francs qu’il venait de soustraire à une brave dame gérante d’un magasin de l’avenue Jauréguiberry. La police employa donc les grands moyens, non l’autopsie, mais un vomitif. Sans succès : le larron avait déjà digéré les coupures.
– Définitions :
– Un militaire qui a goûté du pouvoir, c’est comme un moine bouddhiste qui a goûté de la femme. Jamais ni l’un ni l’autre n’y pourront pleinement renoncer.
– Une femme honnête, c’est celle qui, ayant été incapable de rendre malheureux plusieurs hommes, s’est acharnée toute sa vie sur un seul.
– L’humour, c’est de savoir que tout, absolument tout, est drôle dès l’instant que c’est aux autres que ça arrive.

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