Histoire d’une vraie-fausse rencontre

Certains attendaient une réunion Maroc-Algérie au plus haut niveau. Mohammed VI et Bouteflika ne se sont pas vus, mais cela n’a pas empêché les membres de leurs délégations d’avoir des échanges fructueux.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 2 minutes.

Tous les envoyés spéciaux des médias arabes étaient sur les dents. Les chaînes de télé du Golfe avaient même dépêché des équipes chargées de traiter spécifiquement le sujet. Dans le centre de presse, dans les couloirs du Palais des congrès ou dans ceux des grands palaces parisiens, ils ne parlaient que de cela. De l’Irak ? De la présence de Moubarak ? Que nenni ! Il n’était question que de « la » rencontre. Celle qui devait réunir, ils en étaient sûrs, le roi Mohammed VI et le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Il est vrai que le Quai d’Orsay en avait rajouté une louche en laissant entendre qu’un sommet entre les deux chefs d’État aurait bien lieu à Paris. Les journalistes arabes, que les événements de Côte d’Ivoire, le tollé soulevé par la venue du Zimbabwéen Robert Mugabe ou le Nepad ne passionnent pas outre mesure, se frottaient les mains.
Tout le monde en aura été pour ses frais. Car de rencontre, il n’y aura pas.
Mais ce tohu-bohu n’a pas entamé la sérénité des deux délégations. Le chef de la diplomatie marocaine Mohamed Benaïssa et son homologue algérien Abdelaziz Belkhadem étaient dans le même hôtel – Le Meurice. Ils ne cessaient donc de se croiser, échangeant des regards complices quand l’un d’eux était « soumis à la question » par un confrère.
Si le souverain et le président ne se sont pas rencontrés, cela n’a pas empêché les membres des deux délégations d’avoir des échanges. Souvent intéressants. C’est ainsi que nous avons pu surprendre une conversation à propos du Nepad. Le Maroc n’étant pas membre de l’Union africaine, laquelle a fait sien le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, le problème est donc bien réel. Proposition algérienne : « Le Nouveau Partenariat se fondant sur les ensembles régionaux, les projets concernant le Maroc pourraient figurer dans les programmes de l’UMA. » Réponse des Marocains : « C’est à étudier. »
Les assises parisiennes ont surtout permis de prendre le pouls des relations algéro-marocaines. Abdelaziz Belkhadem, « sans sombrer dans un optimisme béat », y croit. « Je ne dis pas qu’après ma visite à Rabat et à Marrakech nous avons réglé tous les problèmes, mais nous avons réappris à nous parler. Les équipes dirigeantes des deux pays sont assez récentes. Qu’elles consentent à mieux se connaître est une avancée considérable. »
De son côté, Mohamed Benaïssa, « journaliste avant d’avoir été diplomate » tient-il à préciser, préfère l’allégorie : « Si l’on s’acharne à cultiver le désert, à arroser quotidiennement une portion de sable, on obtiendra, au mieux, un cactus. Alors autant ne pas s’enflammer et rester lucide sur tout ce qui nous sépare tout en entretenant ce qui nous unit. Le couple algéro-marocain est une nécessité pour la région, l’ensemble arabe et le continent africain. »
Belkhadem reprend à son compte cette notion de couple : « À Marrakech, j’ai cité à Sa Majesté le cas de la France et de l’Allemagne. Voilà deux pays au passé fait de guerres, d’invasions et d’agressions, et qui constituent aujourd’hui le socle de l’Union européenne. »
En attendant le sommet entre le monarque et le président, dans quelques semaines, dit-on, et alors que le poste-frontière de Zoudj vient d’être repeint et se prépare à accueillir les augustes invités, Paris aura été une étape dans ce qu’Algériens et Marocains continuent d’appeler le dégel.

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