Égypte-Israël : la paix malgré tout

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Cela aurait pu être un événement : l’amorce d’une « pacification » générale du Moyen-Orient, la première étape d’une intégration loyale d’Israël, au côté d’un État palestinien, dans un environnement régional où il tentait, depuis trente ans, de s’imposer par la force. Ce fut une démarche ambiguë et controversée, qui ne resterait pas sans résultat, mais dont l’euphorie artificielle qui la salua dans l’instant ne réussit pas à masquer les ombres.
Le 26 mars 1979, à Washington, le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin signent un traité de paix entre leurs deux pays. Avec, très officiellement, un « témoin » de poids : le président des États-Unis Jimmy Carter.
Prévoyant sans condition une normalisation complète des rapports diplomatiques et commerciaux israélo-égyptiens et la restitution du Sinaï à l’Égypte, ce texte prend ainsi figure d’une paix séparée qui brise unilatéralement le « front de la fermeté » contre l’État hébreu. Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’il soit dénoncé par tous les pays arabes, comme par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui annonce aussitôt sa volonté de poursuivre le combat.
Pour le meilleur et pour le pire, l’initiative s’inscrit, en fait, dans le parcours personnel – souvent jugé aventureux – du successeur inattendu de Gamal Abdel Nasser.
Première phase : la confrontation. En 1973, trois ans après la mort du raïs et soucieux de se donner une stature de nouveau raïs, Sadate déclenche, le 6 octobre, ce qu’Israël appellera la « guerre du Kippour ». Mais, après les succès de surprise initiaux, l’affaire tourne mal, et le président égyptien ne devra qu’aux navettes de Henry Kissinger de pouvoir éviter presque honorablement le désastre.
Deuxième phase : le rapprochement. La confrontation ayant échoué, Sadate choisit la voie de la conciliation. Partant du principe auto-inventé qu’entre Israël et le monde arabe « 70 % du conflit est psychologique », il se rend spectaculairement à Jérusalem, du 19 au 21 novembre 1977, où il embrasse Golda Meir, ravit Moshe Dayan et plaisante avec Menahem Begin, exercice qui requiert quelque effort. Mais, au-delà de l’aura d’héroïsme – ou du stigmate de trahison – qu’il conquiert dans les diverses opinions publiques, il n’obtient pratiquement rien d’interlocuteurs plus retors qu’il ne voulait croire et doit repartir les mains vides.
Troisième phase : la négociation. Puisque ni la guerre ni la psychologie n’aboutissent à rien, restent les plus traditionnelles ressources de la diplomatie. Et qui, diplomatiquement, peut éventuellement disposer de la plus grande influence, sinon les États-Unis d’Amérique ?
Ainsi, du 5 au 17 septembre 1978, dans la retraite présidentielle de Camp David, appelée à devenir célèbre, se tiennent entre Sadate, Begin et Carter de difficiles pourparlers qui frôlent un moment la rupture. Ils aboutissent néanmoins à deux accords-cadres dont le destin contrasté illustre à merveille les ambiguïtés du « dialogue » israélo-égyptien.
L’un des deux textes, le plus court, prévoit la signature, dans les trois mois, d’un traité de paix, les deux pays s’engageant à ne plus recourir désormais à la menace ou à l’usage de la force pour régler leurs différends. Avec optimisme, ils ajoutent que les dispositions dudit traité (précisées en annexe) devraient s’appliquer aux autres traités entre Israël et chacun de ses voisins : Jordanie, Syrie et Liban.
Le second accord-cadre, fort détaillé, vise à ouvrir des négociations entre « l’Égypte, Israël, la Jordanie et les représentants du peuple palestinien » en vue d’établir « une autorité autonome élue en Cisjordanie et à Gaza ». Des accords transitoires seront conclus « pour une période qui n’excédera pas cinq ans » : à la suite de quoi « le gouvernement militaire israélien et l’administration civile israélienne cesseront d’exercer leurs fonctions ».
Comme on le sait, ce deuxième accord-cadre ne recevra jamais le moindre commencement d’application. Le premier, en revanche, conduira à la conclusion du traité de paix du 26 mars 1979. Non sans que Begin, le 20 mars, devant la Knesset, n’ait précisé avec arrogance dans quel esprit il le signerait, enterrant par là même, incidemment, le projet d’autonomie de la Cisjordanie et de Gaza : « Nous ne reviendrons jamais aux frontières de 1967, nous n’admettrons jamais un État palestinien, Jérusalem unifiée restera à jamais la capitale d’Israël. »
Du moins Israël, soucieux de préserver les bénéfices de la paix sur son front Sud, exécutera-t-il la clause symboliquement la plus importante du traité : le 21 avril 1982, ses troupes parachèveront la restitution du Sinaï à l’Égypte. Mais Sadate, qui aura avalé beaucoup de couleuvres pour l’obtenir, ne sera pas là pour s’en féliciter : le 6 octobre 1981, il était tombé sous les balles d’un commando islamiste.

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