Eloge du plurilinguisme

Après les états généraux de l’enseignement qui se sont tenus du 17 au 20 mars au Gabon, le français se pose désormais en « partenaire » des langues africaines, et non plus en adversaire.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Est-on à l’amorce d’un tournant pour la Francophonie dans le monde ? On peut le penser après la tenue des états généraux de l’enseignement du français en Afrique francophone, du 17 au 20 mars à Libreville, la capitale gabonaise. Alors que l’on s’attendait à une énième réaffirmation de la politique de défense de la langue française, on a assisté à un discours nouveau et réformateur. Bien sûr, il est toujours question de résister à l’omnipotence de l’anglais et de renforcer l’enseignement du français, mais la méthode change. Aujourd’hui, le français se pose en « partenaire » des langues nationales, et non plus en adversaire.
Ce changement de cap n’est pas une surprise, mais le résultat d’études et d’analyses menées ces dernières années dans les pays d’Afrique subsaharienne. En 2002, deux réunions régionales sur l’enseignement du français en Afrique centrale et de l’Ouest ont été organisées par l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF). Elles ont permis de faire le point sur la situation de l’enseignement et de l’apprentissage dans les systèmes primaire, secondaire et supérieur, et de comparer les politiques éducatives. Le constat a bien souvent été alarmant, mais les travaux ont permis de mettre en marche la réforme.
On comprend maintenant que, pour défendre le français, il faut en faire non seulement un outil de communication, mais aussi un moyen de convergence entre les peuples d’une même nation, que séparent parfois des langues maternelles différentes. Une fois admis qu’il est, au départ, une langue étrangère pour des millions de locuteurs, le français s’installe maintenant dans un statut de langue partenaire et s’appuie, pour se développer, sur la diversité des langues nationales. Cette modestie nouvelle pourrait être la clé de bien des évolutions.
Le défi, toutefois, est énorme. Comment gérer la diversité des langues africaines et comment faire pour que le français ne soit plus pensé comme la langue du colonisateur, mais comme celle d’une communauté géopolitique ?
Les manuels d’enseignement pour les cycles primaire comme secondaire se font déjà l’écho d’une rénovation en s’appuyant, pour l’apprentissage, sur des situations du terrain africain et, pour ce qui concerne les références littéraires, en utilisant de plus en plus la production des auteurs du continent.
Parmi les autres moyens mis en oeuvre, le prix Kadima, créé par l’AIF. Trois millions de F CFA de dotation récompensent, tous les deux ans, les meilleurs ouvrages inédits rédigés dans une langue africaine ou traduits du ou en français.
Va-t-on enfin assister à la mise en pratique des voeux pieux et voir se multiplier les dictionnaires plurilingues africains et les manuels d’apprentissage du français en langue nationale ? Actuellement, l’AIF coordonne quatre instances qui gèrent les politiques linguistiques. L’une d’elles, le Réseau international des langues africaines et créoles (Rilac), fait la promotion des langues locales en produisant des manuels, en traduisant des textes et, surtout, en formant des interprètes-traducteurs. Par ailleurs, elle encourage la création culturelle et artistique des pays du Sud. Il faut maintenant attendre les résultats.

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