Effets secondaires

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Les barrages ont de multiples usages. Accompagnés de centrales hydroélectriques, ils produisent du courant. Mais depuis des siècles, ils fournissent aussi les populations riveraines en eau potable et en eau pour l’agriculture, et servent à réguler les crues et la navigation. La production d’électricité ne doit donc pas être systématiquement privilégiée au détriment des besoins des populations locales, comme la pêche ou l’irrigation.
À cet égard, le cas du barrage de Manantali, achevé en 1988, se veut exemplaire. À la suite de plusieurs années de sécheresse, le Sénégal, la Mauritanie et le Mali ont décidé, dans les années soixante-dix, de coopérer pour mettre en valeur le fleuve, dans un triple objectif d’irrigation, de navigation et de production énergétique. La construction de deux barrages a été décidée, celui de Manantali sur la rivière Bafing, au Mali, et un barrage antisel à Diama, près de l’embouchure du fleuve Sénégal. Les premières priorités fixées furent l’irrigation et la navigation. Mais les réseaux d’irrigation ont été plus longs à mettre en place que prévu et, côté navigation, aucun bateau n’est passé par l’écluse de Diama depuis la fin des travaux en 1986.
En revanche, la culture de décrue ainsi que la pêche, activités traditionnelles qui concernent environ quinze mille personnes dans le bassin du Sénégal, ont été très fortement perturbées par la mise en eau du barrage de Manantali. Comme dans le bassin du Nil, les agriculteurs semaient annuellement après la crue du fleuve. Lors du projet de construction du barrage, il a été prévu de remplacer la crue naturelle par une crue artificielle. Cette dernière devait être maintenue pendant vingt ans, de manière dégressive, jusqu’à substitution par le nouveau système d’irrigation. En réalité, les premières crues artificielles ont été gérées de manière catastrophique. Certaines années, il n’y en a pas eu du tout, les agriculteurs n’ont pas pu semer. D’autres années, en revanche, après une crue, les paysans ont commencé à semer et leurs semailles ont été détruites par une deuxième montée des eaux. Résultat, le système traditionnel a été gravement perturbé, et il n’a pas encore été remplacé par un système d’irrigation performant. Les agriculteurs sans ressources ont afflué vers les villes. L’Institut de recherche pour le développement (IRD) a été chargé, ces dernières années, d’améliorer la gestion de la crue artificielle au mieux des intérêts des agriculteurs.
La situation s’est compliquée avec la mise en service récente de la centrale hydroélectrique de Manantali. Un nouveau réseau électrique de 1500 km a permis de connecter Bamako en février 2002, puis Dakar et enfin Nouakchott en novembre dernier. L’exploitant privé du barrage, le sud-africain Eskom, aura besoin de savoir la quantité d’eau réservée pour la production d’énergie. Comment en particulier devront être gérées les années de sécheresse critique ? Le risque est de devoir payer l’exploitant en cas de maintien de la crue les années de pénurie d’eau. D’après Jean-Michel Jolly, du Groupe de recherche et de réalisations pour le développement rural (GRDR), des études doivent déterminer le volume d’eau réellement nécessaire à la crue artificielle. Quant au projet de navigation, il pourrait aussi être remis en cause, et le remboursement de la centrale hydroélectrique pourrait être rééchelonné dans le temps, en concertation avec les bailleurs de fonds. La gestion d’un tel ouvrage, pensée au mieux des intérêts de tous, met plusieurs années à s’organiser, et réclame la concertation et la bonne volonté de tous les acteurs présents.

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