Du tribunal de banlieue aux trottoirs de Paris

Des « macs » recrutaient les prostituées parmi les Africaines arrivées en France en situation irrégulière.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Pour avoir participé à un réseau de proxénétisme qui employait trois jeunes Africaines, dix personnes ont été condamnées à de lourdes peines par le tribunal de grande instance de Bobigny, dans la banlieue de Paris, le 12 février 2003. En fuite, l’accusée principale, Édith Erhunmwunse, une Nigériane de 25 ans, a écopé de neuf ans et demi de prison et d’une interdiction définitive du territoire (ITF). Un mandat d’arrêt a aussitôt été lancé à l’encontre de cette jeune femme considérée par les juges comme le cerveau de la bande. La filière nigériane de la traite des Noires est connue dans le milieu pour obéir aux règles du crime organisé. Édith Erhunmwunse a été reconnue coupable d’avoir, entre autres, accompli les formalités nécessaires à l’arrivée des filles en France. Un « service » facturé 50 000 dollars que Rose, Grace et Victoria, deux Sierra-Léonaises et une Nigériane, devaient rembourser en vendant leurs charmes.
L’un des compagnons d’Édith, qui a voyagé en Afrique avec elle pour recruter les jeunes femmes, a été condamné à huit ans et demi de prison et une ITF définitive. Un couple de Ghanéens qui « accueillait » les Africaines s’est vu infliger sept ans pour le mari et cinq ans et demi pour la femme. Lors du procès, ils ont seulement admis leur étonnement de voir Rose et ses copines « sortir tous les soirs à 20 heures et ne revenir qu’au petit matin ». Dans le chapelet des condamnations suit tout le florilège des hommes de main et autres petits caïds du réseau, comme ce chauffeur de taxi chargé d’acheminer les nouvelles arrivantes vers leur lieu de travail, dès leur sortie du tribunal de grande instance de Bobigny.
C’est en effet à cet endroit que tout a commencé, en mars 2001, avec une plainte pour « proxénétisme aggravé » déposée par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Lors d’une mission d’observation dans l’enceinte du tribunal, des associations de défense des droits de l’homme s’étaient aperçues que des « macs » recrutaient les prostituées sur place, parmi les étrangères arrivées en France en situation irrégulière et qui étaient relâchées dans la nature par les autorités. À l’époque, l’affaire avait défrayé la chronique.
Deux ans se sont écoulés, et rien n’a changé. Les rabatteurs continuent d’écumer les salles d’audience. Ou bien, postés devant le tribunal, ils attendent la sortie des filles. Tout va alors très vite. Direction : les trottoirs de Paris. Et plus précisément ceux des boulevards des Maréchaux, terrain de prédilection des prostituées africaines, dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années.
Aujourd’hui, Rose, Victoria et Grace, les « lucioles noires » des Maréchaux, se cachent dans un lieu tenu secret. « Instruction oblige », justifie Hélène Gacon, présidente de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe). Terrorisées, les deux Sierra-Léonaises et la Nigériane ne sont pas venues aux audiences. Et elles n’ont pas pu se faire représenter puisque cette affaire se jugeait en correctionnelle.
« Aussi sévère que soit ce jugement, il n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan », remarque Hélène Gacon. Ce procès, même s’il est le premier du genre, déçoit pourtant les associations de défense des droits des étrangers. Comme le souligne le Gisti, « seuls les acteurs en bout de chaîne ont été sanctionnés ». Pour de nombreux militants, le combat prend maintenant une tournure plus précise, et tous avancent le même discours : « Il faut renforcer la protection des mineurs étrangers arrivant en situation irrégulière. » Mais, selon une avocate, les pouvoirs publics ne montreraient aucun entrain à appliquer correctement la loi. Pourquoi ? La spécialiste pointe son portefeuille. No comment.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires