Déprime boursière

Échaudés par le ralentissement économique mondial et la gestion opaque de plusieurs grandes sociétés, les épargnants délaissent la place.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

La Bourse de Tunis vient de passer une très mauvaise année 2002, comme en témoigne l’effondrement des deux plus fortes capitalisations de la place. La Société frigorifique et brasseries de Tunis (SFBT), qui embouteille notamment Coca-Cola et détient un quasi-monopole sur le marché de la bière, a vu, en 2002, sa valeur boursière baisser de 16 %. La même année, l’action de la compagnie aérienne Tunisair chutait, elle, de 40 % et passait en dessous de sa valeur d’introduction, au grand dam des petits porteurs. Quant à l’indice de référence de la Bourse tunisienne, Tunindex, constitué par la cotation de quarante-six sociétés, il a décru de 11,7 % dans ce même laps de temps.
Plus significative encore du marasme du marché, la baisse de la capitalisation boursière. Elle est tombée à 2,842 milliards de dinars (environ 2 milliards d’euros), soit 13,2 % de moins qu’en 2001. Les épargnants en Tunisie ont donc vu la valeur de leurs portefeuilles enregistrer une perte sèche de 434 millions de dinars (environ 310 millions d’euros) entre le 2 janvier et le 31 décembre 2002. Sans oublier les pertes de l’année précédente qui, additionnées à celles de 2002, portent la baisse à 23 % en deux ans.
Ceux qui y ont le plus perdu sont ceux qui ont misé sur des valeurs phares. Mais, dans leur ensemble, tous les actionnaires ont été affectés. Car plusieurs « incidents » ont mis à rude épreuve la confiance des investisseurs. D’abord l’affaire Batam, ce grand groupe de distribution mis sous administration judiciaire pour défaut de paiements et dont l’action a perdu 55 % de sa valeur en l’espace de douze mois, pour tomber en dessous de sa valeur nominale. L’entreprise a finalement été radiée de la Bourse le 4 février dernier. Pour cette société comme pour Tunisair ou la SFBT, ce sont l’opacité des comptes et le manque de vigilance des autorités de surveillance qui ont entraîné la perte de confiance des porteurs de titres. À ces cas s’ajoute celui de la Banque de Tunisie et des Émirats d’investissement (BTEI), une banque mixte de développement qui a commis l’erreur de ne pas communiquer à l’avance sa décision de ne pas distribuer de dividendes en 2002 en raison des plans de consolidation de ses fonds propres. Ou encore celui de la Sicav BH placement, dépendant de la Banque de l’habitat. Sa valeur liquidative a été suspendue à la suite d’irrégularités comptables qui visaient à accroître artificiellement sa valeur pour la rendre plus attractive aux yeux des investisseurs. Les porteurs de parts attendent maintenant la décision des autorités de contrôle.
Mais les erreurs des sociétés n’expliquent pas à elles seules la désaffection des investisseurs. Certes, la Bourse de Tunis s’est modernisée et a adopté des structures et des normes plus ou moins proches de celles des grandes places. Mais elle continue à souffrir d’un manque de liquidités et du peu d’empressement des grandes compagnies à s’y introduire. Fin 2002, le premier marché de la Bourse de Tunis ne comptait que quarante-six sociétés cotées, alors qu’une dizaine d’années auparavant le ministère des Finances prévoyait qu’il serait constitué, en 2000, d’une centaine de firmes. Dès lors, on comprend aisément la défiance des épargnants à l’égard de la Bourse de Tunis et le fait qu’ils se soient réfugiés dans des placements plus sûrs comme les bons du Trésor à taux de rendement fixe garanti par l’État.
Sur ces dysfonctionnements se greffe le ralentissement économique mondial, qui a freiné la croissance en Tunisie, où le Produit intérieur brut n’a progressé que de 1,9 % en 2002. Et comme l’investissement en Bourse dépend également de facteurs psychologiques, la chute des grandes places boursières à travers le monde et l’incertitude quant à une guerre en Irak n’encouragent guère l’essor du marché.

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