CAN 2019 : Djamel Belmadi, l’intransigeant sélectionneur algérien
Homme discret, réputé méticuleux, proche des joueurs et ambitieux, Djamel Belmadi passe son premier test à la tête de la sélection algérienne lors de cette CAN 2019 en Égypte. L’ancien milieu de terrain international, depuis sa nomination en août dernier, a eu le temps de s’y préparer.
L’Algérie a tout connu en matière de sélectionneurs : l’explosif Halilhodzic, le taiseux Gourcuff, l’éphémère Neguiz, le sympathique Leekens, les énigmatiques Rajevac et Alcaraz, le revenant Madjer, essoré par les critiques, et enfin Belmadi, sorti de son refuge qatarien pour prendre en main une équipe qu’il avait fréquentée comme joueur entre 2000 et 2004 (20 sélections, 5 buts).
Le Francilien – il est né à Champigny-sur-Marne – vit toujours à Doha, où il a joué, puis entraîné. Une domiciliation persique qui lui permet d’éviter de croiser trop souvent les journalistes.
Ouaddou : « Il n’accorde pas sa confiance facilement »
L’homme, réputé intelligent et cultivé, ne raffole guère de l’exercice médiatique. Ses interviews sont (très) rares et ses interventions se limitent essentiellement aux points presse de la sélection algérienne. « Au premier abord, il peut sembler distant, confirme l’ancien international marocain Abdeslam Ouaddou. Il n’accorde pas sa confiance facilement et se donne du temps pour savoir à qui il a affaire ».
Abdeslam Ouaddou connaît parfaitement Belmadi pour avoir été son coéquipier à Valenciennes (2009-2010), où le coach des Fennecs a achevé une carrière de joueur bien remplie. Il ensuite été sous ses ordres à Lekhwiya, au Qatar, le pays qui a permis au Franco-Algérien de faire ses débuts d’entraîneur. « Quand je l’ai connu à Valenciennes ce n’était pas le plus bavard dans le vestiaire », se souvient le volubile marocain. Et de poursuivre : « Mais quand il intervenait, c’était clair, précis. En tant qu’entraîneur, il a su conserver cette rigueur. Belmadi est très exigeant quand il s’agit de travailler, mais il sait aussi cultiver une réelle proximité avec les joueurs. »
Entraîneur à succès au Qatar
Durant sa carrière, Djamel Belmadi, formé au Paris-SG, a beaucoup voyagé. En France (PSG, Martigues, cannes, Marseille, Valenciennes), en Espagne (Celta Vigo), au Qatar (Al-Gharafa, Al-Kharitiyath) et en Angleterre (Southampton).
L’entraîneur qu’il est devenu, dès 2010, s’est révélé plus casanier. « Il a contribué à bâtir le club de Lekhwiya, le club de l’émir du Qatar », souligne Ouaddou. Belmadi y est resté deux ans, avant de prendre en mains la sélection nationale, B d’abord (2013-2014), A ensuite (2015) et de revenir sur le banc de Lekhwiya, rebaptisé Al-Duhail, de juillet 2015 jusqu’à sa signature avec la fédération algérienne.
En un peu plus de sept ans, il s’est aussi construit un palmarès fourni, tant en club (neuf titres, dont quatre de champion), qu’avec la sélection (une Coupe du Golfe et un Championnat d’Asie de l’Ouest).
Karim Boudiaf connaît parfaitement Belmadi. Ce milieu de terrain de 28 ans, né en France d’un père algérien et d’une mère marocaine, et formé à Nancy, s’est exilé au Qatar en 2010, à Lekhwiya, et y est devenu international qatarien. « Je sais comment il travaille, et je pense qu’il peut faire de très bonnes choses avec l’Algérie », estime Karim Boudiaf.
Belmadi sait ce qu’il veut et mieux vaut respecter ses consignes
Le champion d’Asie 2019 a appris, que ce soit en club ou en sélection, à mieux cerner la méthode de travail du technicien. « D’abord, c’est quelqu’un qui connaît très bien le foot, un vrai passionné, juge Karim Boudiaf. Il est très exigeant sur la discipline, sur l’implication des joueurs. »
Il prévient : « Belmadi sait ce qu’il veut et mieux vaut respecter ses consignes, il prône un jeu offensif qui devrait plaire aux supporteurs algériens, reste à voir comment il va gérer ce changement d’environnement, car la pression n’est pas la même au Qatar et en Algérie. »
Sur ce point, Abdeslam Ouaddou se montre plutôt optimiste. « À Lekhwiya, il avait une pression constante, de la part de l’entourage de l’émir. Il avait des moyens financiers élevés, mais une exigence de résultats. Et il les a obtenus, au Qatar et en Asie. »
Sandjak : « Qu’on le laisse travailler »
Belmadi, arrivé au chevet de Fennecs soumis à l’incessante et contre-productive instabilité technique, n’échappera à l’impatience de la presse et de l’opinion publique. Il a accepté de diviser son salaire presque par trois (il gagnait 150 000 euros par mois au Qatar) avant d’accepter cette délicate mission.
« C’est un choix intéressant de lui avoir confié la sélection. Il a les compétences et le caractères pour réussir », veut croire l’ancien sélectionneur Nasser Sandjak, quart de finaliste de la CAN 2000 et passé par plusieurs clubs algériens (JS Kabylie, MO Bejaïa).
« Seulement, il faut qu’on lui foute un peu la paix et qu’on le laisse travailler, mettre ses idées en place », prévient Sandjak. Ce dernier craint qu’une CAN jugée manquée remette en question l’avenir du sélectionneur. « L’Algérie a une bonne équipe, mais ce n’est pas un favori pour la CAN : il se passe quoi si ça s’arrête en huitièmes de finale, ou en quarts ? On nous renvoie aux années quatre-vingt ou à la Coupe du Monde 2014, et on vire Belmadi ? Ils en sont capables », ironise Sandjak. Reste à savoir si l’histoire lui donnera raison.
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