Demoiselles chanteuses

Quatre ans après le succès de leur premier album, les Nubians sortent One Step Forward. Mélodies métisses pour « princesses nubiennes ».

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

«On a mis du temps à sortir cet album. On ne voulait pas le réaliser sous la pression. On a pris le temps de vivre, de voyager, de rencontrer des gens. » Il aura fallu quatre ans à Célia et Hélène, deux soeurs unies sous la bannière des « Nubians », pour digérer un succès précoce. Elles avaient 20 ans et 24 ans quand est sorti, en 1999, leur premier opus, Princesses nubiennes. Avec 400 000 exemplaires vendus aux États-Unis – la France leur réserve un accueil moins triomphal -, les Nubians ont réalisé le meilleur score de vente outre-Atlantique pour un album francophone depuis plus de dix ans. Tournées, promotion. Tout va très vite. Trop vite. « Ce succès nous a prouvé que l’on fait de la musique de qualité, nous a donné confiance en nous. Mais on avait besoin de grandir. Aujourd’hui, nous sommes mères toutes les deux… »
C’est avec plus de maturité et d’assurance que les Nubians sortent aujourd’hui One Step Forward (« Un pas en avant »). Soul, jazz, hip-hop et Rn’B, reggae, musique africaine traditionnelle, mais aussi chanson française… Un album à leur image : mi-africain, mi-européen.
Célia et Hélène Faussart sont nées d’un père français et d’une mère camerounaise, en 1978 et en 1974. Après quelques années à Paris, la famille s’installe au Tchad, en 1984. Première expérience – décisive – de l’Afrique : « J’en garde un souvenir chaleureux, et en même temps violent, raconte Hélène. Chaleureux parce que j’avais l’impression de faire partie d’une grande famille. Violent, parce que le Tchad était en conflit avec la Libye. J’ai eu l’occasion de voir des horreurs. Et pourtant, malgré les bombardements, les attaques des rebelles, les gens se levaient avec le sourire, l’espoir. » Le père de Célia et Hélène travaille dans des associations humanitaires. Elles apprennent le don de soi. Métisses, immigrées de France, les deux soeurs font l’expérience de la dualité de l’exil : « À l’école française, on nous reprochait de fréquenter la « basse classe », c’est-à-dire les Tchadiens. De leur côté, ces derniers nous rappelaient souvent nos origines françaises, notre niveau social « élevé ». » De retour en France au début des années quatre-vingt-dix pour poursuivre leurs études en sociologie et en droit, Célia et Hélène sont de nouveau confrontées aux préjugés : « Nous étions installées dans le Sud-Ouest. Célia à Sarlat, et moi à Bordeaux. À la fac, j’entendais des choses du genre : « Tu parles bien français ! Ton père est blanc ? » »
Immergées dès le plus jeune âge dans l’univers artistique, Hélène et Célia choisissent finalement le chant. A capella, d’abord : « Les musiciens professionnels ne voulaient pas jouer pour nous. On était des gamines juste bonnes pour faire les choeurs. » Célia et Hélène finissent par imposer leurs voix et se lancent dans les petites salles et les centres sociaux. Armées de leur répertoire mêlant Nina Simone, Myriam Makeba ou Bob Marley, elles assurent les premières parties d’artistes comme Youssou Ndour, Julien Clerc ou James Brown. Repérées par la maison de disques Virgin, les Nubians sont invitées à enregistrer un morceau sur une compilation jazz, Jazz à Saint-Germain, qui sort en 1997. En studio, Célia et Hélène rencontrent le producteur Thierry Plannelle, qui leur propose d’enregistrer un album. Avec Princesses nubiennes, elles imposent leur marque de fabrique : « De la musique noire, comme un arbre : des racines jusqu’aux feuilles. De la musique traditionnelle au reggae, en passant par le gospel et le blues. » Un discours bien rodé, marqué par leur concept de « l’afropéanité » : « Nous sommes africaines. Nous avons grandi là-bas, nous pouvons retourner y vivre. Mais nous avons aussi intégré les valeurs européennes. Et nous nous assumons comme telles. Notre démarche est la suivante : il existe un livre qui rassemble l’ensemble de la culture noire. Mais les pages sont éparpillées aux quatre coins du monde. À nous de les rassembler, de les mettre à la portée de toute la communauté noire. » One Step Forward, un pas de plus, donc, pour ces deux jeunes femmes que rien ne semble pouvoir arrêter.

One Step Forward, les Nubians, Virgin, 14,77 euros.

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