De guerre lasse

En échange d’une amnistie et d’une aide à la réinsertion, les miliciens du pasteur Ntoumi ont accepté de signer un accord mettant fin aux hostilités.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

«Cette fois, c’est la bonne ! » Cette exclamation d’un officiel congolais entendue le 17 mars à Brazzaville sonne comme un soupir de soulagement. Ce soir-là, le gouvernement congolais et les derniers rebelles ont signé un ultime accord de cessation des hostilités. Cet engagement vient confirmer la fin des combats, qui avaient repris en mars 2002 dans la région du Pool – celle de la capitale. Le texte a été paraphé par le ministre d’État, chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, Isidore Mvouba, et par Daniel Mahoulouba, représentant à Brazzaville du chef des miliciens Ninjas, le pasteur Ntoumi. Il marque le ralliement du dernier groupe armé aux accords de cessez-le-feu signés en décembre 1999 par les pouvoirs publics et les différentes milices, sous l’égide du médiateur, le président gabonais Omar Bongo.
Pour cette issue négociée, certains ministres n’ont pas hésité à mouiller leur chemise. À commencer par Isidore Mvouba et sa collègue en charge du Commerce, Adélaïde Moundélé-Ngollo, tous deux originaires du Pool. Au terme de discrètes négociations menées depuis plusieurs semaines, Ntoumi décide « d’arrêter les hostilités, de ramasser les armes, de ne créer aucune entrave à la réhabilitation de l’autorité de l’État, à la libre circulation des personnes et des biens dans le Pool ». Il s’engage également à ne dresser aucun obstacle au redéploiement de la force publique – armée, gendarmerie et police – et à l’achèvement du processus électoral dans cette région, dont toutes les circonscriptions n’ont pu voter aux législatives de mai 2002. En contrepartie, les pouvoirs publics acceptent de faire bénéficier aux miliciens Ninjas qui déposeront les armes de la loi d’amnistie du 20 décembre 1999. « Celle-ci portait sur les faits de guerre civile perpétrés en 1993-1994, 1997, 1998-1999 au Congo. Elle s’étendra désormais à ceux commis lors des violences en cours depuis mars 2002 », a expliqué le ministre de la Communication, Alain Akouala. Le gouvernement s’est enfin engagé à assurer la « réinsertion professionnelle, sociale et économique des ex-combattants ». Certains seront notamment recrutés dans la force publique. D’autres, les militaires de carrière, sont appelés à réintégrer leurs corps d’origine. Ces soldats de retour au bercail pourront être réaffectés dans la zone de défense n° 8, à savoir le Pool, la province dont ils sont natifs.
Reste à savoir si, cette fois, le pasteur Ntoumi, qui a déjà violé un cessez-le-feu après l’avoir accepté, respectera sa parole. La personnalité fantasque de l’intéressé permet d’émettre des doutes. Frédéric Bitsangou, alias Tâ Ntoumi, n’est pas vraiment un ecclésiastique. Pendant la guerre civile, ce personnage mystique a commandé plusieurs centaines de miliciens des Forces d’autodéfense et de résistance. À l’heure des négociations, le leader de cette milice n’a jamais voulu quitter son fief. Néophyte en politique, ce quadragénaire maîtrise mieux la magie noire que les subtilités du pouvoir. Ce qui ne l’a pas empêché de faire monter les enchères durant les pourparlers, notamment sur la reconversion des ex-miliciens.
« On peut penser que ces accords tiendront, analyse un proche de la médiation. S’il est vrai que Ntoumi n’est pas encore venu lui-même à Brazzaville, le choix de ses plus proches collaborateurs pour l’y représenter est une garantie supplémentaire pour la viabilité de ce cessez-le-feu. Gozardio, responsable des opérations militaires des Ninjas, a participé à la cérémonie du 17 mars. Et son lieutenant chargé des affaires politiques, Daniel Mahoulouba, a personnellement signé le texte. Or Mahoulouba a gravité dans l’entourage de Bernard Kolélas lorsque celui-ci était aux affaires. Et a longtemps entretenu le contact entre l’ex-Premier ministre en exil et le chef rebelle retiré dans le maquis. Sa présence à Brazza prouve que les liens entre le pasteur et Kolélas sont désormais coupés. »
Ce n’est pas tout. Ces accords ont aussi une chance d’être respectés à cause de la perspective de voir se réaliser un projet routier souhaité depuis longtemps par le pouvoir comme par les populations du Pool. Le respect de la cessation des hostilités devrait favoriser le lancement des travaux de la route nationale 1 entre Brazzaville et Kinkala, chef-lieu du Pool situé à 75 kilomètres de la capitale. L’Union européenne a annoncé qu’elle contribuerait au chantier à hauteur de 20 milliards de F CFA, mais menace de supprimer définitivement ce financement si les travaux ne commencent pas d’ici au 31 mars. Cet ultimatum a sans doute permis, dans une certaine mesure, d’accélérer le dialogue entre belligérants.

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