Chirac lâché par les siens ?

Paradoxe : alors que l’opinion soutient le chef de l’État, une partie de la droite s’inquiète des conséquences de la crise avec les États-Unis.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

La scène se passe, l’autre semaine, au bureau de l’Association des maires de France. Le sénateur socialiste Michel Charasse propose de mettre au vote une motion approuvant la position française sur l’Irak. Un de ses collègues membre de l’UMP, la coalition de droite soutenant Jacques Chirac, n’y est pas favorable : ce n’est pas notre rôle, plaide-t-il. Embarrassé, le président de l’Association trouve la parade : il faut d’abord demander au ministère des Affaires étrangères si une telle initiative est opportune. Le Quai d’Orsay ne sera pas alerté, on en restera là.
L’anecdote est significative de l’état d’esprit d’une partie de la droite, la plus libérale, qui s’inquiète à mots de moins en moins couverts des conséquences de la politique du gouvernement dans cette affaire. Non qu’elle la désapprouve sur le fond, mais elle considère que la position de Chirac n’est pas tenable très longtemps et redoute qu’une hostilité trop marquée envers les Américains ne se traduise par un isolement français.
Qu’en pense Jean-Pierre Raffarin ? Venu du giscardisme et longtemps proche d’Alain Madelin, le plus atlantiste des hommes politiques français, le Premier ministre aurait quelques raisons de désapprouver la crise en cours entre Washington et Paris. Ses amis en sont persuadés : seule sa fonction l’empêche d’exprimer ses réserves.
Depuis plusieurs semaines, Chirac a été informé par ses conseillers des états d’âme d’une partie de son électorat. C’est sans doute ce qui explique que, dans l’interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire américain Time, il se soit montré plus ferme à l’égard de Saddam Hussein, sans rien renier de son analyse de la crise. « Le meilleur service qu’il puisse rendre à son peuple et au monde serait de disparaître », a-t-il indiqué. Surtout, il a réitéré son attachement personnel à l’Amérique et salué l’efficacité de son dispositif militaire, qui a déjà provoqué, selon lui, un assouplissement de la position irakienne.
Ces propos annoncent-ils une reculade ? À l’Élysée, le mot soulève une levée de boucliers. L’entourage du chef de l’État jure que, loin de toute considération tactique ou opportuniste, le choix français exprime une conception de fond ; qu’il n’est pas question que le pays renonce à faire usage, en cas de besoin, de son droit de veto ; et que la cohésion de l’exécutif, dans cette affaire, est parfaite. Apparemment, il n’est pas exclu que Chirac prononce un grand discours (peut-être à Alger, lors de sa visite officielle, au début du mois de mars) pour fixer la doctrine française et tenter, une dernière fois, d’empêcher la guerre.
Ces convictions sont renforcées par une série d’indications prouvant le soutien d’une très large majorité de Français à cette politique. Les sondages confidentiels commandés, plusieurs fois par semaine, par l’Élysée le confirment. Les contacts entretenus par le président et ses conseillers dans de nombreux milieux, comme les obédiences franc-maçonnes ou les Églises, aussi.
Même les militaires admettent parfaitement les choix de Chirac, jugeant à la fois que Saddam Hussein ne joue pas le jeu des inspections et que les Américains se conduisent en apprentis sorciers. Ils ne doutent pas une seconde qu’une intervention armée est désormais quasi inévitable et que tout va s’accélérer après le 28 février, date de la remise du nouveau rapport des inspecteurs onusiens. Tout au plus considèrent-ils qu’en cas de non-engagement français, les relations avec l’armée américaine deviendront plus difficiles. Les militaires le regrettent, car ils sont fiers d’avoir conquis l’estime de leurs collègues en Afghanistan, où leur présence, aussi modeste soit-elle, a été appréciée. « Ce sera le seul problème, dit l’un deux. Mais, sauf élément vraiment nouveau, la France se déconsidérerait si elle changeait d’attitude. Quant à être présent sur le théâtre des opérations pour jouer un rôle humanitaire, ce serait ridicule. Pas question de faire de la figuration dans les fourgons des Américains et des Anglais. »

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