Ceux qui disent « non »

Pendant que les têtes couronnées planchaient sur le contenu à donner à leur partenariat, un contre-sommet se tenait à l’hôtel de ville de Paris. À l’initiative d’une soixantaine d’associations.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Un autre sommet pour l’Afrique : contre-voix citoyennes. » Tel était l’intitulé de la rencontre organisée à Paris, du 16 au 21 février, par des mouvements de la société civile française et africaine, en contrepoint de la XXIIe Conférence des chefs d’État d’Afrique et de France. Pour faire entendre leur voix, comme c’est le cas depuis quelques années au cours de toutes les rencontres de l’élite internationale, une soixantaine d’associations (Agir ici, Survie, Plate-forme Dette & Développement, « Publiez ce que vous payez ! », Act Up…) auxquelles se sont joints des délégués venus d’une dizaine de pays africains ont réuni quatre mille manifestants place de la République, à Paris, le 19 février. Les slogans étaient politiquement peu corrects : « Les présidents criminels devant le juge », « Chirac : annuler la dette au lieu de discourir », « Pour un vrai partenariat entre la France et l’Afrique », « l’Afrique pillée par les multinationales »…
Pendant que les têtes couronnées d’Afrique et de France planchaient sur le contenu à donner à leur partenariat (dans le cadre du Nepad notamment), la conférence-débat du contre-sommet, tenue dans l’auditorium de l’hôtel de ville de Paris, s’attelait à démontrer que « le Nepad est inutile tant que la France et les multinationales continuent de soutenir des régimes criminels et d’orchestrer le pillage des ressources du continent ». Des habitués de l’exercice comme Me William Bourdon, président de l’association Sherpa, et François-Xavier Verschave, leader de Survie et auteur d’un livre sulfureux sur la Françafrique, évaluaient la « responsabilité pénale des multinationales et des kleptocrates africains dans le pillage et le chaos imposés à l’Afrique ».
Il n’en fallait pas plus, à un moment où la plupart des dirigeants visés par les diatribes en recevaient les échos à l’autre bout de Paris, pour faire réagir le groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), au conseil municipal de la capitale. Les partisans de Chirac ont critiqué la décision du maire socialiste Bertrand Delanoë d’accueillir le contre-sommet dans l’auditorium de l’Hôtel de Ville. Et crié à « une manoeuvre pour gêner l’action internationale de la France au cours du Sommet France-Afrique ».
Jamais, il est vrai, une grand-messe franco-africaine n’a été aussi riche en incidents « gênants ».
Le 20 février, quelques minutes avant l’ouverture du sommet, vingt-trois membres de Reporters sans frontières (RSF), habillés de tee-shirts à l’effigie de chefs d’État africains, se sont massés devant le Palais des congrès sous une banderole peu amène : « Liberté de la presse : 23 cancres à Paris ».
Le président Robert Mugabe, décrété persona non grata par les associations, a vu son hôtel assiégé par des manifestants d’Act Up qui lui reprochent son hostilité à l’homosexualité. Tout comme le repos dans un autre palace parisien du Mauritanien Maaouiya Ould Taya a été perturbé par les cris de victimes d’actes de torture qu’aurait perpétrés son régime.
Après avoir parrainé la plainte d’un citoyen zimbabwéen (résidant à Londres) déposée dès l’arrivée de Mugabe à Paris, la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) a multiplié les témoignages de victimes et militants des droits de l’homme africains. La veille du sommet, l’organisation a réuni la presse pour entendre Mohamed Baba, une victime mauritanienne, Dobian Assingar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme, et Khémaïs Chamari, de la FIDH-Tunisie. La « multinationale des droits de l’homme » a remis sur le tapis les plaintes devant la justice internationale contre Paul Biya et Laurent Gbagbo, les actions pendantes devant les tribunaux français contre Maaouiya Ould Taya dans l’affaire Ely Ould Dah, contre Denis Sassou Nguesso dans celle des disparus du Beach… La FIDH a également ameuté l’opinion sur la première plainte devant la Cour pénale internationale qu’elle a déposée le 13 février contre, entre autres, le président centrafricain Ange-Félix Patassé. Avant d’organiser un rassemblement en face de la tour Eiffel pour s’opposer à la venue en France de chefs d’État accusés de crimes contre l’humanité.
Le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy n’avait manifestement pas surestimé l’ampleur de la grogne en déployant pas moins de trois mille policiers, gendarmes et CRS pour assurer la sécurité du sommet ainsi que celle des cinquante-deux chefs d’État et de délégation présents.

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