Berlusconi dans ses petits souliers

Après avoir été très en pointe aux côtés de la Maison Blanche, le président du Conseil italien ne se fait plus guère entendre.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Pour un peu, on pourrait croire que Silvio Berlusconi a disparu de la circulation. Le président du Conseil italien était absent de la photo de famille du sommet des Açores, qui a réuni, le 16 mars, les chefs de file du camp de la guerre. Et il a attendu le 19 mars, soit près de quarante-huit heures après l’ultimatum de George W. Bush à Saddam Hussein, pour informer ses compatriotes de la position officielle de son pays. Une prudence surprenante de la part de celui que la presse transalpine surnomme Il Cavaliere, une prudence qui traduit un réel embarras.
Le personnage est pourtant réputé pour ses déclarations tonitruantes, voire outrancières. Immédiatement après le 11 septembre 2001, il n’avait pas hésité – avant de nuancer ses propos – à parler de la supériorité de la civilisation occidentale sur l’Islam. Début février dernier, désireux d’apparaître comme l’un des alliés les plus loyaux des États-Unis, il avait saisi la perche tendue par le Wall Street Journal en cosignant, avec Tony Blair et José María Aznar, la fameuse « lettre des huit ». En proclamant la solidarité sans réserve de la « nouvelle Europe » avec l’Amérique belliqueuse, il pensait avoir réussi un bon coup en isolant la France et l’Allemagne. Mais le décalage entre ses prises de position ultra-atlantistes et une opinion publique très majoritairement hostile à la guerre (à plus de 85 %, d’après les derniers sondages) l’a amené à adopter un profil bas, sans toutefois céder sur l’essentiel.
Berlusconi a certainement été troublé par la présence de plusieurs millions de manifestants antiguerre le 15 février dernier dans les rues de Rome et des autres grandes villes italiennes (400 000 à Milan le 16 mars). Le soir même, il a esquissé une inflexion, en affirmant que l’heure n’était pas encore à la fin du processus des inspections. Non pas tant, d’ailleurs, en raison de la mobilisation de la gauche et des syndicats que de l’énergique intervention du Vatican, résolument opposé à une guerre en Irak. Le Saint-Siège a singulièrement compliqué la tâche du président du Conseil italien. Avec son parti, Forza Italia, Silvio Berlusconi a capté l’héritage électoral d’une démocratie chrétienne discréditée par le grand déballage des années quatre-vingt-dix (l’opération mani pulite). Et, sauf à prendre le risque d’un suicide politique, il ne peut en effet aller frontalement à l’encontre du pape Jean-Paul II. À la différence de José María Aznar – conservateur comme lui et dirigeant de l’autre grand pays catholique d’Europe occidentale, mais qui a annoncé son retrait de la vie publique au terme de son mandat, en 2004 -, Berlusconi est candidat à sa propre succession. Il doit donc ménager toutes les sensibilités.
En définitive, le fait que l’Italie ne soit pas membre du Conseil de sécurité de l’ONU a permis au Cavaliere de cultiver une certaine ambiguïté. Il n’a pas eu à se prononcer sur l’interprétation qu’il convenait de faire de la résolution 1441. Et n’a pas eu à se découvrir en se déclarant pour ou contre le vote d’une deuxième résolution. « Nous regrettons que l’ONU n’ait pas fait montre de davantage de cohésion dans les derniers jours de la crise, commente un diplomate italien. Mais il ne nous appartenait pas de nous prononcer sur ce qu’il aurait fallu faire ou ne pas faire. Le chef du gouvernement n’avait pas à être présent aux Açores. Cette réunion informelle ne concernait qu’un petit groupe de pays membres du Conseil de sécurité, ce qui n’est pas le cas de l’Italie en ce moment. »
Pourtant, la position de Berlusconi, même assortie de toutes les nuances du langage diplomatique, n’a guère varié sur le fond. Il reste solidaire des États-Unis. Le 19 mars, il a obtenu du Parlement que l’armée américaine soit autorisée à utiliser les couloirs aériens de la péninsule et les bases situées sur le territoire national dans le cadre de futures opérations militaires. L’Italie va honorer les obligations qui lui incombent comme membre de l’Otan. Mais pas question, en revanche, d’envoyer des troupes combattre dans le Golfe. Il est vrai que cette option n’avait jamais été envisagée. Bush, qui a davantage besoin de renfort diplomatique que de supplétifs militaires, ne semble pas lui en tenir rigueur. Il l’a consulté avant le sommet des Açores, et lui a fait parvenir une lettre le remerciant chaleureusement pour son « extraordinaire » soutien dans la guerre contre le terrorisme. Pour l’instant, Berlusconi a donc réussi à préserver l’essentiel. Sa position pourrait toutefois redevenir rapidement délicate, la gauche et les syndicats ayant promis de marquer le début des frappes américaines en Irak par une grève générale et des actions de protestation de grande ampleur…

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