Baptêmes du feu

Participant pour la première fois à ce type d’assises, les dirigeants du Rwanda et de Madagascar ont l’un et l’autre un contentieux à régler avec l’Hexagone. Leur voyage n’aura pas été inutile.

Publié le 25 février 2003 Lecture : 4 minutes.

A chaque réunion de la famille, de nouvelles têtes font leur apparition. Pour la promotion 2003, on notera notamment l’entrée en scène de Joseph Kabila, dont le prédécesseur – et père – fut assassiné au cours du précédent Sommet Afrique-France de Yaoundé, le 16 janvier 2001. Toutefois, le chef de l’État congolais a déjà été officiellement reçu dans la capitale française, peu à après son accession au pouvoir. Ce sommet constitue en revanche un baptême du feu pour le Malgache Marc Ravalomanana et pour le Rwandais Paul Kagamé, qui font l’un et l’autre leur première visite en France en tant que chefs d’État tout en participant pour la première fois à ce type de rencontre.
La venue de Kagamé est particulièrement lourde de signification. Car son premier – et dernier – passage à Paris ne lui a pas laissé que des bons souvenirs. C’était en janvier 1992. À la tête d’une petite délégation du FPR, alors en lutte contre le régime Habyarimana, Kagamé avait été gardé à vue treize heures durant à la préfecture de police de Paris avant d’être relâché, sans excuses ni explications.
Depuis, le passif avec Paris n’a fait que s’alourdir. Le génocide d’avril 1994 et le fiasco magistral de la politique française dans la région des Grands Lacs a lourdement pesé sur les relations entre Paris et Kigali. Convié à participer au Sommet de la Francophonie à Hanoi en 1997, Kagamé avait sèchement décliné l’invitation : « Nous n’irons pas. Ce genre de conférence où il s’agit de faire allégeance n’a aucune importance pour nous. »
Au fil des ans, le ton s’est néanmoins assoupli. Fermée en juin 2000 pour des « raisons économiques », l’ambassade du Rwanda a été rouverte un an plus tard. Les visites à Kigali des ministres français des Affaires étrangères, Hubert Védrine et Dominique de Villepin, respectivement en janvier et septembre 2002, ont également contribué à clarifier les relations. Puis le retrait des troupes rwandaises de RDC a permis d’alléger le contentieux. Enfin, au moment où le Rwanda s’apprête à organiser ses premières élections législatives et présidentielle depuis le génocide, Kigali a besoin du soutien de l’ensemble de la communauté internationale. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Kagamé doit être reçu par George W. Bush à la Maison Blanche deux semaines après son escale parisienne.
S’exprimant sur le sujet sans chaleur particulière, Paul Kagamé a tout de même relativisé sa présence à Paris, rappelant que la restauration de bonnes relations avec la France prendrait du temps : « Le fait que j’assiste au sommet ne procède pas seulement des relations entre la France et le Rwanda. Nous sommes venus pour des raisons plus vastes : la France veut parler de développement avec l’Afrique, alors je me dois de participer aux discussions prévues dans ce cadre. » Autre raison moins officielle : Kofi Annan et le président sud-africain Thabo Mbeki, parrain de l’accord signé à Pretoria par Kabila et Kagamé le 30 juillet dernier, ont profité de la présence à Paris des deux protagonistes pour faire le point sur le processus de paix en RD Congo durant une heure et demie, le 21 février au matin. Sur le plan bilatéral, en revanche, les contacts ont été plutôt limités, Jacques Chirac s’étant entretenu une dizaine de minutes en tête à tête avec son homologue rwandais peu après la clôture du sommet. Ce qui, il faut le souligner, n’était pas prévu au programme.
Seule fausse note : Kagamé ne semble pas avoir vraiment apprécié l’adoption à la hussarde d’une déclaration sur l’Irak. « Il faut s’entendre sur les termes de l’alternative. S’agit-il de choisir entre la guerre et la paix ou entre la guerre et le développement d’armes de destruction massive ? » s’est interrogé en substance le chef de l’État rwandais.
Moins tendues certes, les relations entre la France et Madagascar restent marquées par un certain nombre de contentieux que la présence de Marc Ravalomanana aura permis d’apurer partiellement. Pour le nouveau chef de l’État malgache, Jacques Chirac fut longtemps proche de Didier Ratsiraka. Ce qui a sans doute conduit la France à ne reconnaître son régime que le 3 juillet, soit huit jours après les États-Unis. Là encore, une visite de Dominique de Villepin avait permis d’arrondir les angles. Et Ravalomanana a finalement accepté l’invitation au Sommet de Paris.
Lors de son court séjour parisien, le chef de l’État malgache – et néanmoins chef d’entreprise – a rencontré François Périgot, président du Medef International, Xavier de Villepin, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, et Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale. Il a également été reçu à l’Élysée. Mais la visite la plus étonnante restera sans doute celle faite par Ravalomanana au siège de la Fondation Charles-de-Gaulle, où il a été reçu par Yves Guéna, président de la fondation et président du Conseil constitutionnel. De sa propre initiative, le président malgache a tenu à visiter le bureau où avait travaillé le général entre 1946 et 1958. Souvent accusé de préférer les États-Unis à la France, Ravalomanana aura profité de sa visite à Paris pour se faire délivrer un brevet de gaullisme.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires