Attention, arnaque !

De véritables bandes organisées, aux méthodes de plus en plus sophistiquées sévissent à travers le monde. Aux dépens d’établissements bancaires ou de simples particuliers.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

Un phénomène, qui connaît chaque jour un peu plus d’ampleur, est en train de devenir presque un sport national au Nigeria : l’escroquerie. Pour le quotidien anglais Financial Times (FT), qui a effectué début mars une longue enquête sur ce sujet, c’est l’influence de quarante années de « culture de la corruption » des gouvernements successifs, tant militaires que civils, sur la population depuis l’indépendance du pays en 1960. C’est aussi parce que ce pays, le plus peuplé d’Afrique avec 120 millions d’habitants, possède une diaspora établie sur tous les continents, un réseau de facto idéal. Si l’on ajoute à cela la déliquescence de l’économie et le chômage qui touche même les diplômés, on comprend que l’escroquerie puisse devenir un secteur d’activité comme un autre…
Le FT révèle que l’opération la plus pratiquée actuellement est la vente frauduleuse de maisons, soigneusement vidées de leurs meubles, pendant l’absence de leurs légitimes propriétaires. On ne compte plus les familles aisées qui, de retour de vacances, ont découvert des inconnus installés chez elles, le plus naturellement du monde. Le procédé s’est répandu au point qu’il est courant de voir, scellé dans le mur des jolies demeures de Lagos ou d’Abuja, un panneau du genre : « Cette propriété n’est pas à vendre. » Les malandrins les plus audacieux se tournent vers les résidences à l’étranger. Avec quelques excès qui frisent le comique. Comme le Français Victor Lustig qui réussit, en juillet 1925, à vendre la tour Eiffel à un ferrailleur, des Nigérians sont parvenus à vendre par deux fois le célèbre Crystal Palace, une curiosité architecturale du XIXe siècle posée sur un parc de plusieurs centaines d’hectares, situé au sud de Londres.
Mais, au-delà de l’anecdote, il reste que les escrocs s’organisent à l’échelle planétaire. La police découvre chaque mois de nouveaux groupes basés à Lagos et opérant à distance, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis de préférence. Outil de base : la lettre, signée d’un dictateur notoirement corrompu ou de sa famille, qui invite le destinataire à intervenir pour sortir clandestinement du pays quelques millions de dollars bloqués en banque, moyennant une substantielle commission. Les explications ne sont pas très claires, mais l’opération est réputée rapide, il suffit de donner son numéro de compte pour que la transaction s’effectue. Gare à l’appât du gain, car le prétendu intermédiaire va se voir rapidement débité de toutes ses économies, voire davantage.
Internet et les nouvelles technologies de la communication ont ouvert des autoroutes au détournement d’argent et décuplé le nombre de « gogos » susceptibles de se faire prendre au piège. Le Financial Times estime que les Américains perdent chaque année quelque 100 millions de dollars (60 milliards de F CFA) dans cet attrape-nigaud. Le filon est si juteux que les escrocs visent maintenant les banques, les entreprises et leurs fichiers clients. Des pirates s’infiltrent dans les systèmes informatiques et pillent les bases de données, ne laissant derrière eux que des virus plus ou moins méchants. La police britannique repère et démantèle chaque mois de faux sites Web qui « empruntent » le nom d’institutions financières ayant pignon sur rue, comme www.barclaysprivate.com ou www.eurocitibank.com. Les pages, construites comme celles de leur homonyme, invitent le chaland à entrer ses coordonnées bancaires, son numéro de carte de crédit et, même, à détailler ses biens personnels et ses placements. Début 2002, un homme d’affaires britannique s’est vu détrousser, en quelques minutes, de 210 000 dollars alors qu’il visitait le prétendu site de la Banque centrale d’Afrique du Sud pour collecter des renseignements sur d’éventuels investissements.
Plus sophistiquée, mais tout aussi efficace, est la nouvelle tendance de certains Nigérians de Londres de se faire engager par les banques, toujours dans le but de se procurer des informations confidentielles concernant les clients. Leurs complices restés au pays n’ont plus qu’à utiliser les données pour commander des transferts d’argent au porteur, sans être inquiétés. Alertée par la recrudescence d’employés indélicats, la Chambre de commerce britannique tente de mettre au point des moyens légaux de contrôler l’honnêteté et la fiabilité du personnel, en particulier celui qui est envoyé par les agences d’intérim. Elle envisage même de dispenser des séances de « sensibilisation à la confidentialité » et de « moralisation des moeurs »…
Pour lutter contre ces différentes formes d’escroquerie, les pays européens ont mis en place des cellules spécialisées. À Paris, la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) travaille à plein temps sur les plaintes déposées par les victimes d’escroqueries de ce genre. Leurs résultats d’enquêtes sont utilisables par toutes les polices d’Europe grâce à Europol, l’office intergouvernemental de police criminelle. Mais c’est encore loin d’être suffisant pour endiguer le phénomène. Selon le Financial Times, ce système d’escroquerie draine de telles sommes d’argent qu’il est soupçonné d’alimenter d’autres filières du crime, pourtant juteuses, comme le trafic de drogue, d’armes ou le proxénétisme. Certains policiers avancent même l’hypothèse que cet argent pourrait servir au terrorisme international, mais aucune preuve n’est encore venue l’étayer.

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