Alerte générale

Le IIIe Forum mondial de l’eau qui s’est tenu à Kyoto du 16 au 23 mars a dressé un bilan plus que préoccupant des ressources planétaires. Après la réflexion, l’heure est à l’action.

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 4 minutes.

Dans les années à venir, l’« or bleu » sera une denrée rare. Selon les spécialistes, chaque être humain verra sa disponibilité en eau potable diminuer d’un tiers d’ici à 2025. Aucun continent ne sera épargné. Le coupable ? L’homme. Mais est-il vraiment besoin de le désigner ? Depuis des années, sa responsabilité est aggravée par la gestion désastreuse de cette ressource vitale. Au cours du XXe siècle, la population a triplé alors que, dans le même temps, la consommation d’eau potable, au lieu de suivre le même rythme, a été multipliée par six. Avec des disparités intolérables entre les différentes zones géographiques. Aujourd’hui, près de 1,5 milliard de personnes à travers le monde n’ont pas accès à une eau potable qui soit de qualité et à un prix abordable. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 7 millions d’individus décèdent chaque année après avoir été infectés en buvant de l’eau insalubre. Face à l’urgence de la situation, l’Organisation des Nations unies (ONU) a déclaré 2003 « Année internationale de l’eau douce ».
D’une ampleur exponentielle, la crise de l’eau est aujourd’hui au coeur des préoccupations des États et des organisations internationales. Pour preuve, la variété des thèmes du IIIe Forum mondial de l’eau qui ont été abordés, comme « l’eau et la disparité des sexes » ou encore « financement des infrastructures ». « Kyoto, c’est l’aboutissement de toutes les initiatives prises jusqu’à présent. Le temps est maintenant à l’action », affirme-t-on au Conseil mondial de l’eau. Cette institution, créée en 1996 à l’initiative de l’ONU, de la Banque mondiale et d’associations professionnelles, et installée à Marseille, dans le sud de la France, organise tous les trois ans une rencontre internationale entre les responsables politiques et les professionnels du secteur. Venus d’horizons divers, ils sont chargés de définir « les priorités en matière de gestion de l’eau ». Un premier rendez-vous s’est tenu à Marrakech, au Maroc, en 1997, et un deuxième à La Haye, aux Pays-Bas, en 2000. Ces deux éditions ont connu une affluence grandissante, contribuant à faire de l’eau « l’affaire de tous ». Un slogan et une démarche exprimés pour la première fois en 1977, lors de la Conférence des Nations unies sur l’eau, à Mar del Plata, en Argentine. En affirmant que « toute personne a le droit à l’eau nécessaire pour ses besoins vitaux », elle a permis de franchir un pas important vers l’intégration de cette ressource dans le développement social.
Mais le tournant décisif dans la politique mondiale de gestion a été la proclamation, en 1981 par les Nations unies, de la « Décennie internationale pour l’eau potable ». Durant cette période, le Conseil mondial de l’eau estime que 1,2 milliard de personnes ont obtenu l’accès à l’eau potable, en qualité et en quantité suffisantes. Un système d’assainissement, indispensable, a également été mis en place pour 770 millions d’individus. Cependant, il convient de relativiser ce succès. L’objectif visé, qui était de fournir de l’eau potable à la planète entière, n’a pas été atteint. Ce qui freine toutes les politiques de développement. En septembre 2002, le Sommet mondial sur le développement durable, qui s’est tenu à Johannesburg (Afrique du Sud), a fait de l’eau l’une de ses priorités. Elle ne peut être dissociée des progrès faits en matière d’énergie, de santé, d’agriculture et de biodiversité. L’un des défis de la IIIe édition du Forum mondial était donc de « définir collectivement les termes d’un plan d’action approuvé unanimement, engagement assorti d’objectifs à court et à long termes, ainsi qu’un système de contrôle et d’évaluation efficace ».
Pour approvisionner correctement toutes les régions du monde, il faudrait dépenser 180 milliards de dollars par an. À l’heure actuelle, seuls 80 milliards de dollars sont effectivement engagés. Selon le rapport sur « les actions pour l’eau dans le monde », principal document de travail du Forum, « dans une large mesure, les subventions n’atteignent pas les pays pauvres. Les techniques de conservation de l’eau ne se répandent pas. Les fonds d’investissements et les recettes sont trop restreints pour assurer le suivi des programmes de recherche et de formation, ainsi que la maintenance et le développement des structures hydrauliques. »
Tout n’est pas négatif pour autant. Par exemple, grâce à un apport conséquent de capitaux, des progrès ont été faits, au cours des deux dernières décennies, dans le traitement des eaux usées, améliorant la qualité des eaux de surface dans plusieurs pays en développement. Dans ces mêmes régions, la production alimentaire a évolué en suivant la courbe de la croissance démographique : toutes deux ont doublé en quarante ans. Ce progrès est dû au développement accéléré de l’agriculture irriguée, notamment par le pompage des nappes souterraines. Si cette mise en valeur des terres contribue à réduire la famine, elle est aussi responsable des deux tiers de la consommation d’eau dans le monde. Mais n’est pas fautif qui l’on croit. Certes, la superficie des terres irriguées a été multipliée par deux au cours des quarante années précédentes, mais cette forme de culture se concentre surtout en Asie et aux États-Unis. Selon les prévisions, la population mondiale va augmenter de moitié d’ici à 2025. Il faudra alors doubler les extractions d’eau douce pour l’agriculture irriguée, et parvenir à nourrir près de 9 milliards d’individus.
En attendant, près de trois mille projets sont en cours de réalisation dans le cadre des « actions pour l’eau dans le monde ». Ainsi, depuis 2001, la Mauritanie restructure complètement le secteur de l’eau et de l’assainissement, avec pour objectif d’assurer l’alimentation en eau potable de toute la population. Ce projet est financé à hauteur de 600 000 euros environ par le ministère français des Affaires étrangères. Une coordination étroite est mise en place avec les autres bailleurs de fonds, aux premiers rangs desquels on trouve la Banque mondiale et l’Union européenne. Cette nouvelle politique prévoit une plus grande implication des acteurs locaux, et insiste notamment sur le rôle joué par les femmes pour préserver les ressources. Peut-être une piste vers une solution durable.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires