Abidjan à l’heure de l’Amérique

Publié le 25 mars 2003 Lecture : 2 minutes.

Ici, à Abidjan, personne ne râle contre la décision de George W. Bush de déclencher la guerre contre l’Irak. Qu’il s’agisse des ouvriers du bâtiment en train d’ingurgiter de la bière chaude dans les maquis en plein air, enfumés par les grillades de poulet, ou des femmes courbées des heures durant pour se faire tresser les cheveux, les habitants cette ville autrefois surnommée « le Paris de l’Afrique de l’Ouest », expriment sans détours leurs sentiments à l’égard de l’Amérique.
« Je suis amoureux des États-Unis. Ils ont raison. Les Français ont tort », confie Kofi Hervé, un pharmacien de 30 ans arborant sous sa blouse blanche un tee-shirt flanqué du drapeau américain. « J’ai envie de tout ce qui est américain… Je préfère le burger au croque-monsieur. »
Pendant que les citoyens de nombreux pays en veulent au président Bush, les Ivoiriens agitent les drapeaux américains au lieu de les brûler. C’est parce que, comparés à la France, les États-Unis sont considérés ici comme des gentils. Après des décennies de colonialisme et l’intervention du gouvernement français dans la guerre civile qui dure depuis des mois en Côte d’Ivoire, les Ivoiriens en ont simplement assez de la France. « Au revoir, France, goodbye », chantaient des milliers de manifestants en janvier pour exprimer leur frustration après l’accord de paix signé sous les auspices de la France. Ils étaient ensuite allés crier ce slogan à l’ambassade des États-Unis, le visage et la poitrine enduits de peinture rouge, blanche et bleue, aux couleurs de la bannière étoilée.
« Toute cette fièvre américaine va retomber », dit un diplomate américain sur place. « Ils ont la France ancrée dans leur tête. Ils reviendront bientôt à la France. Ils nous oublieront », poursuit-il. Même si la culture américaine a toujours été populaire, les Ivoiriens parlent français et ils sont peu nombreux à comprendre un mot d’anglais. « Nous voulons voir la France dehors et les États-Unis à leur place. » C’est Charles Blé Goudé qui parle. Il est le chef de file des « jeunes patriotes » qui soutiennent le président Laurent Gbagbo. Avec sa casquette sur laquelle a été cousu un emblème du drapeau américain, il dit qu’il préfère maintenant la bière américaine au vin français.
« Je me réjouis juste que nous n’ayons pas commencé à porter des bérets », confie Zrango Rathurin, un ouvrier ivoirien de 31 ans, déplorant la présence française tout en glorifiant les États-Unis. « Nous nous sentons solidaires des États-Unis. Les Français sont injustes avec eux exactement comme ils l’ont été avec nous », conclut-il.

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