Tunisie – Tourisme : les enjeux derrière la bataille des chiffres
La Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) reprend le chiffre haut et fort : selon une étude rendue publique mardi, le tourisme représente 13,8 % du PIB tunisien, et non 4,1 %, comme l’indique l’Institut national de la statistique (INS). Derrière ce débat se cache la question des priorités de l’économie tunisienne.
« L’Institut ne prend en compte que les données relatives aux hôtels, restaurants et cafés, et ne comptabilise que les recettes en monnaie étrangère », analyse Safouane Ben Aissa, directeur des études au cabinet d’audit KPMG, chargé par la Fédération de rendre compte du véritable poids du tourisme.
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La différence s’explique en effet par la prise en compte de la contribution du tourisme dans des secteurs faisant l’objet d’un calcul à part de l’Institut national de la statistique (INS), comme ceux du transport (1,98 %) ou encore du commerce de détail (0,64 %) dans les zones où les touristes viennent consommer.
Constat et propositions de solution
Pour les professionnels de l’hôtellerie, il ne s’agit pas de stigmatiser le travail de l’INS, mais de convaincre les décideurs politiques de l’urgence de soutenir un secteur prépondérant malgré les années noires qui ont suivi les attaques terroristes de 2015.
Aussi, la FTH a formulé, mardi, plusieurs recommandations, dont celle de transformer tout le territoire en zone touristique. Selon l’organisme, cela faciliterait l’implantation d’établissements hôteliers, de restaurants et de bars avec licence pour vendre de l’alcool, mais aussi de promouvoir un tourisme plus diversifié que les formules « tout inclus » qui rapportent peu de devises.
Chaque touriste ne dépense en moyenne que 150 dollars, contre 600 dollars ailleurs dans le monde. Il faut améliorer la qualité et l’offre
La Fédération réclame également la mise en place rapide de l’open-sky – ouverture à la concurrence dans l’aérien, notamment celle des compagnies à bas-coût – , afin d’atteindre en 2030 l’objectif d’au moins 15 millions de touristes – contre 9 millions attendus en 2019. « C’est le nombre atteint par la Tunisie en 2000 avant l’attentat de Djerba », relativise Mongi Safra, directeur de KPMG Academy.
Surtout, le professeur d’économie révèle que si la Tunisie accueille 0,6 % des touristes mondiaux, elle ne récolte que 0,2 % des recettes engrangées à l’échelle planétaire. « Chaque touriste ne dépense en moyenne que 150 dollars, contre 600 dollars ailleurs dans le monde. Il faut améliorer la qualité et l’offre », préconise Mongi Safra.
Des réformes attendues
Élaboré en 2017, le Livre blanc sur l’endettement et le financement du secteur hôtelier devait justement accélérer la modernisation des lieux d’accueil des touristes. Mais les applications de ses recommandations se font toujours attendre ou sont tardives, comme la déduction de 25 % des revenus ou bénéfices réinvestis dans la restructuration des hôtels, prévue seulement depuis la loi de finance 2019.
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« Je ne suis pas sûr que les banques jouent le jeu du financement, concède Marouane Abassi, directeur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Même si la situation s’améliore lentement [et que la direction de la BCT a été invité à la présentation du rapport], les dettes des NPL [créances douteuses] du secteur font peurs. » Ces dernières représentent 1,764 milliards de dinars (532 millions d’euros), soit 30 % des créances douteuses détenues par les trois banques publiques (STB, BH, BNA).
Alors que KPMG prévoit qu’en 2019 le tourisme passe à 14,2 % du PIB, la Fédération brandit un résultat également favorable : la contribution directe du tourisme au PIB a connu une croissance de 4,2 % en 2018, soit la plus forte progression enregistrée en Afrique du Nord. La bataille des chiffres ne fait que commencer.
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