Football – Aliou Cissé : « Il faudra au Sénégal de la sueur, des larmes et parfois du sang »
À quelques jours de l’ouverture de la CAN 2019 en Égypte, le sélectionneur du Sénégal, Aliou Cissé, refuse de voir les Lions de la Teranga comme les favoris de la compétition, mais se veut toutefois optimiste. Le fruit de quatre années de réajustements au sein de l’équipe, et d’atouts comme Sadio Mané.
Arrivé à la tête de la sélection nationale en mars 2015, Aliou Cissé a essuyé quelques déceptions, notamment avec l’élimination prématurée du Sénégal à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de 2017. Il a aussi ranimé les espoirs de regagner l’élite internationale avec la qualification des Lions de la Teranga au Mondial de Russie l’été dernier, seize ans après leur dernière – et première – Coupe du monde. À quelques jours de l’ouverture de la CAN 2019, qui se jouera en Égypte, le sélectionneur, qui refuse de voir le Sénégal comme le favori de la compétition, se veut toutefois « optimiste ».
Comme pour porter bonheur à cette jeune formation, l’ancien capitaine de l’équipe nationale a choisi le 31 mai pour dévoiler le nom des 25 joueurs sélectionnés. Ce même 31 mai qui avait vu le Sénégal battre la France, tenante du titre, en match d’ouverture du Mondial à Séoul en 2002. « Une coïncidence, admet-il, bien qu’il s’agisse d’un anniversaire spécial que l’on oubliera jamais. » Après quatre ans d’ajustements et de belles performances individuelles des joueurs dans leur club respectif, les Lions sont-ils enfin prêts à soulever le trophée ? Jeune Afrique a rencontré Aliou Cissé lors de l’ouverture du stage de préparation des Sénégalais, au centre d’entraînement Diambar de Saly, au sud de Dakar.
Jeune Afrique : Avec le recul, qu’est-ce qui, selon vous, n’a pas fonctionné lors du Mondial et quels ajustements avez-vous opérés pour cette CAN ?
Aliou Cissé : On ne peut pas vraiment dire que quelque chose n’a pas fonctionné. Le Sénégal était qualifié, ce n’était pas arrivé depuis seize ans. Dans notre poule, la Colombie a eu cinq point, le Japon et le Sénégal quatre. Nous avons été éliminés du fait de la réglementation de la FIFA qui nous a départagés sur le nombre de cartons.
Si on avait passé ce premier tour, nous aurions pu voir une très belle équipe du Sénégal. C’est dommage pour nous, mais cela nous a permis d’évoluer, de gagner en expérience et de nous renforcer. Il nous a fallu plus de quatre ans pour trouver les bons équilibres, notamment avec l’arrivée de nouveaux joueurs, mais je crois que nous y sommes.
On vous a pourtant reproché de changer trop souvent de système de jeu…
Je suis flexible sur les systèmes de jeu. Le 4-3-3 et le 4-2-3-1 sont nos schémas préférentiels. Mais nous avons des joueurs capables d’évoluer dans n’importe quelle configuration, rien n’est figé et je considère que c’est l’une des qualités de cette équipe.
La préparation de l’équipe a démarré le 4 juin et ne prévoyait que deux rencontres amicales. Contre l’équipe du Nigeria le 16 juin (battue 1-0) et contre une équipe de 3e division espagnole avant cela (battue 7-0). N’est-ce pas trop peu pour aborder une compétition internationale ?
Au sein d’une équipe nationale on se voit une fois tous les deux à trois mois. Il est vrai que cela complique l’acquisition des automatismes nécessaires. Mais cette équipe, qui joue ensemble depuis quatre ans, commence à avoir du vécu et de la maturité.
Malgré quelques changements, l’ossature du groupe est la même depuis 2015. Certains de nos joueurs sortent à peine d’une saison intense. Je veux éviter les blessures.
Les moyens sont là, à nous de faire ce qu’il faut sur le terrain
Sadio Mané notamment, qui a joué une finale de Ligue des champions le 1er juin (il a néanmoins été suspendu pour le premier match du Sénégal à la CAN, le 23 juin). Aura-t-il encore du jus pour cette CAN ?
Il était important de lui laisser dix jours de repos, c’est pour cela qu’il a commencé sa préparation plus tard que les autres. Mais Sadio est un professionnel. Il est préparé pour jouer tous les deux jours, enchaîner les compétitions. Cela fait deux ans qu’il joue quasiment cinquante matchs par saison.
Avez-vous les moyens financiers suffisants pour préparer cette CAN ?
Absolument ! Les réalités du football africain d’il y a vingt ans ne sont pas celles d’aujourd’hui. Cette équipe nationale se prépare de mieux en mieux et la fédération comme l’État font en sorte de nous mettre dans les meilleures conditions possibles. Les moyens sont là, à nous de faire ce qu’il faut sur le terrain. Tout est réuni pour une bonne préparation. Bien plus qu’à l’époque où j’étais joueur.
Vous répétez à l’envi que le Sénégal n’est pas le favori de cette compétition. Pourquoi ?
Je le dis et le maintiens : le Sénégal n’est pas le favori ! Pour cette compétition il nous faudra de la sueur, des larmes et parfois du sang. Depuis quelques années, le Sénégal est qualifié d’éternel favori, mais les équipes favorites sont celles qui ont déjà remporté une CAN. Le Cameroun, tenant du titre, ou alors l’Égypte qui est le pays organisateur.
La Côte d’Ivoire, la Tunisie ou le Maroc, sont plus favoris que nous. Mais nous sommes de bons challengers et nous sommes optimistes. Nous gagnons progressivement en certitudes quant à notre équipe et notre jeu mais il faut nous armer d’humilité. Être la première équipe africaine au classement FIFA ne veut rien dire. La France, championne du monde, n’est pas numéro un du classement mondial.
En 2015, votre prédécesseur Alain Giresse était remercié après l’élimination du Sénégal dès le premier tour de la CAN. Pensez-vous jouer votre place de sélectionneur durant cette compétition ?
Ce n’est pas Aliou Cissé qui va à la CAN. Pour gagner il faut tout un ensemble, les joueurs, le sélectionneur, le staff technique, la fédération.
Donc vous ne vous sentez pas sur la sellette ?
Est-ce que vous me voyez stressé ? [il rit]
Qu’est-ce qui a motivé les changements opérés au sein de l’effectif comme l’arrivée de Saliou Ciss (arrière gauche à Valenciennes, en France) d’Henri Saivet (milieu de terrain à Bursaspor, en Turquie) ou le départ de Kara Mbodj (défenseur central au RSC Anderlecht en Belgique) ?
Henri Saivet connaît la maison. Il a fait la CAN 2017 avec nous et est très intéressant dans notre animation offensive. Il est très bon par exemple sur les coups de pied arrêtés, c’est un profil important dans notre groupe. Il s’était éloigné de la sélection nationale parce qu’il lui manquait du temps de jeu. Il en a retrouvé à Bursaspor.
Pour ce qui est de Saliou Ciss, notre côté gauche est très ouvert depuis la blessure de Pape Souaré. Saliou Ciss était blessé à la Coupe du monde mais Valenciennes où il a beaucoup de temps de jeu, semble lui réussir.
Quant à Kara Mbodj, il a été un élément très important de notre équipe nationale, mais ça fait un an qu’il n’est pas revenu dans cette sélection. Le passage à Nantes et le retour à Anderlecht de Kara n’ont pas été simples, le club n’ayant pas joué le haut de tableau dans le championnat belge. Je comprends la frustration des joueurs qui n’ont pas été choisis mais Kara a un mental fort et je reste persuadé qu’il reviendra en équipe nationale.
Il est légitime pour le Sénégal de demander l’organisation de la CAN
Êtes-vous favorable à l’organisation de la CAN au Sénégal en 2023 ? Pensez-vous que le pays soit prêt ?
Ce serait une très bonne chose ! Mais il ne faut pas se leurrer, aujourd’hui nous n’avons pas encore la capacité d’organiser une CAN. Il y a une volonté fédérale et étatique de recevoir la compétition et de faire le nécessaire pour.
Avec les résultats de l’équipe sur le continent et sur le plan international, et cette génération de joueurs qui brille partout en Europe, il est légitime pour le Sénégal de demander l’organisation de la CAN. Ce serait exceptionnel pour le public et pour ce pays qui vit si intensément le football. C’est tout le mal que je souhaite au football sénégalais.
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