Les convictions bien étayées de Jean-Charles Tall

Formation locale des architectes, approche bioclimatique… Cet agitateur d’idées bouscule les conservatismes pour que renaisse une école sénégalaise de la construction.

Jean-Charles Tall, 58 ans, a été formé à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Marseille. © Sylvain Cherkaoui / J.A

Jean-Charles Tall, 58 ans, a été formé à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Marseille. © Sylvain Cherkaoui / J.A

Julien_Clemencot

Publié le 30 août 2014 Lecture : 3 minutes.

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Il s’est fait connaître comme lanceur d’alerte lorsqu’il dénonçait les dérives de l’agence nationale chargée de gérer le sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), à Dakar en 2008. Aujourd’hui, à 58 ans, Jean-Charles Tall se lance dans un nouveau combat. En septembre, l’école privée qu’il a fondée en 2008 avec son associée Anna Jouga et son confrère Mouhamadou Naby Kane entend ouvrir un master d’architecture en partenariat avec l’université de Thiès (ouest du Sénégal).

Pénurie d’architectes

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Mais pour l’heure, le Conseil de l’ordre, dont il a pourtant été président de 1998 à 2003, n’est pas prêt à reconnaître le futur diplôme. « Certains craignent qu’on ne forme de futurs concurrents. Mais le Sénégal manque cruellement de professionnels ! Le pays ne compte que 130 architectes en exercice. Soit un pour 100 000 habitants (contre 45 pour 100 000 habitants en France). » Depuis la fermeture de l’école d’architecture de Dakar en 1991, pas un seul professionnel n’a été diplômé dans le pays. Résultat : à Dakar, plus de neuf bâtiments sur dix sont construits sans le concours d’un architecte.

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Pour le fondateur du Collège universitaire d’architecture, dont la licence forme des techniciens supérieurs et permet à certains étudiants de poursuivre leur cursus en France ou à l’école d’architecture de Lomé, les choses doivent changer. Et ce n’est pas l’opposition de l’establishment qui va l’impressionner.

Son passage au prytanée militaire de Saint-Louis a forgé son caractère, et son engagement au sein des associations africaines en France à la fin des années 1970 lui a donné le goût de la lutte.

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Souci de l’environnement

En matière d’architecture, Jean-Charles Tall ne manque pas non plus de convictions. Il observe avec satisfaction un intérêt grandissant pour les projets tenant compte de l’environnement. « Avant d’envisager la pose d’un climatiseur, regardons comment on peut créer des aérations naturelles et évitons les grandes façades vitrées », plaide-t-il. Une démarche qui l’a guidé lors de la conception de l’immeuble ClairAfrique, place de l’Indépendance à Dakar, où les larges balcons jouent le rôle de pare-soleil. Cette approche, Jean-Charles Tall l’a acquise à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille. « Il y avait là-bas un groupe de chercheurs intéressés par le Tiers Monde, qui accordait aussi une grande importance aux dynamiques sociales », se souvient-il.

Son passage au prytanée militaire de Saint-Louis a forgé son caractère.

« On construit aujourd’hui à Dakar comme on le ferait à Berlin »

De retour au Sénégal au début des années 1980, Jean-Charles Tall n’adhère pas aux directives du président Senghor. Tous les bâtiments officiels mis en chantier devaient alors répondre aux canons de l’architecture soudano-sahélienne. « Je suis Africain. Je n’ai pas besoin de le revendiquer », assume-t-il. Néanmoins, il déplore le virage pris depuis une vingtaine d’années : « On construit aujourd’hui à Dakar comme on le ferait à Berlin. » La marque selon lui d’une fêlure entre les décideurs et les architectes. « L’habitude, c’est d’aller chercher des compétences à l’extérieur pour les projets d’envergure », déplore-t-il, comme pour le nouvel aéroport de Diass.

Jean-Charles Tall parle en connaissance de cause. De 1990 à 1997, il fut le directeur technique du cabinet du grand architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, pour lequel il a notamment supervisé la construction de l’aéroport de Banjul en Gambie. Au Sénégal, il est aussi le père des stations-service Elton, dont le toit en forme de vague est reconnaissable entre tous. Autant d’expériences qu’il souhaite désormais partager au travers de son collège.

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