Comment le fond souverain du Gabon mène sa stratégie ?
Pêche, tourisme, énergie… Le fonds souverain du Gabon conclut des partenariats dans des secteurs clés. Mais sa priorité reste la constitution d’un portefeuille rentable, surtout à l’étranger.
Le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) a trouvé son rythme de croisière. Né en 2012, le gestionnaire des ressources du Fonds souverain de la République gabonaise (FSRG, ex-Fonds souverain pour les générations futures) a multiplié les opérations ces derniers mois.
En mai, il a investi dix milliards de F CFA (15,2 millions d’euros) dans Oragroup, un établissement bancaire présent dans douze pays africains. Il a également misé sur IHS Towers, un gestionnaire panafricain de tours de télécommunications, souscrit à une récente émission obligataire d’un pays d’Afrique de l’Ouest et injecté une centaine de millions d’euros dans deux fonds panafricains gérés par Edifice Capital, dans les infrastructures (Infrastructure PPP Africa) et l’agriculture (Agriland).
Héritier d’un portefeuille d’une soixantaine de participations détenues directement par l’État auparavant, le fonds en a ajouté une vingtaine en deux ans.
Héritier d’un portefeuille d’une soixantaine de participations détenues directement par l’État auparavant, le fonds en a ajouté une vingtaine en deux ans. « Le FGIS a commencé à investir dès 2012 au Gabon. Par exemple dans la société commerciale gabonaise de réassurance SCG-Ré », souligne Serge Mickoto, directeur général du fonds, qui est financé par 10 % des recettes pétrolières (1 442 milliards de F CFA en 2013), par 50 % des surplus budgétaires ainsi que par les dividendes de ses participations.
Premiers pas
Intervenue à peu près au même moment que celle des fonds souverains du Nigeria, du Ghana et de l’Angola, la naissance du FGIS s’inscrit dans un mouvement important de création de fonds souverains en Afrique, dont le cas sénégalais (lire l’encadré) est l’un des derniers exemples.
Le Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA) a investi en un an et demi plus de 130 millions de dollars (94,4 millions d’euros), en très grande partie dans des fonds internationaux. Un type d’investissement écarté pour l’instant par le FGIS.
Interview
Serge Mickoto : « Le Fonds souverain du Gabon est avant tout destiné aux futures générations »
Jeune Afrique : Diriez-vous que le fonds souverain gabonais, dont vous êtes le gestionnaire, est un fonds de stabilisation, un fonds de développement ou un fonds pour les générations futures ?
Serge Mickoto : Le FSRG est d’abord et avant tout un fonds destiné aux futures générations gabonaises. Les investissements réalisés aujourd’hui par le FGIS sont destinés à lisser l’épargne intergénérationnelle.
Ensuite, le FSRG est aussi un fonds de développement car ses ressources sont destinées à être utilisées dans le cadre de projets de développement structurants ayant pour but d’assurer à terme une diversification des ressources du pays.
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« Nous ne sommes pas dans la même situation, explique Serge Mickoto. Pour pallier une éventuelle crise de change et compenser des chocs macro-économiques, le Nigeria cherche en effet à investir dans des placements mondiaux en dollars. »
Positionnement
Le patron résume ainsi ses premiers pas : « Le fonds souverain du Gabon est d’abord et avant tout destiné aux générations futures. C’est aussi un fonds de développement, car il est destiné au final à assurer une diversification des ressources du pays. »
Au niveau national (20 % du portefeuille direct à terme), le fonds se positionne sur certains des projets structurants du pays dans le tourisme, la pêche, l’agrobusiness ou encore les télécoms – sans oublier son souci de rentabilité.
Début 2013, il a créé avec le mauricien Ireland Blyth une coentreprise pour doper l’industrie gabonaise de la pêche. Un projet de 100 millions d’euros au total, qui passe notamment par la relance de l’ex-Société industrielle et frigorifique du Gabon, rebaptisée Gabon Seafood. Il s’est par ailleurs associé à Aman Resorts pour développer l’écotourisme au Gabon. Un projet hydroélectrique est également dans sa ligne de mire, mais il n’a pas encore abouti. « Il est trop tôt pour dresser un premier bilan car ces projets structurants démarrent à peine », reconnaît Claude Ayo-Iguendha, banquier et président du conseil d’administration du FGIS.
Hors des frontières
Le volet « investissement extérieur » (80 % du portefeuille direct) a pour principal objectif de dégager des ressources futures en favorisant une rentabilité régulière.
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D’où les premiers investissements dans Oragroup ou IHS. « Ces prises de participation sont des exemples concrets qui montrent notre engouement et notre capacité à investir hors de nos frontières », se réjouit Serge Mickoto.
« Lorsque des fonds souverains sortent du territoire national, leur objectif est aussi de pouvoir attirer dans leur pays des investisseurs étrangers spécialisés dans des secteurs prioritaires », ajoute la spécialiste du secteur financier d’une organisation de développement panafricaine.
Une stratégie délicate à mener pour le FGIS, dont les moyens d’intervention restent limités au regard des plus grands fonds souverains. La jeune structure n’a sous gestion que 650 milliards de F CFA d’actifs, une broutille comparée aux 65 milliards de dollars du Libyan Investment Authority. Mais, sur ce plan-là aussi, le FGIS peut déjà afficher quelques résultats. Le fonds Agriland (dans lequel il a investi) a ainsi choisi le Gabon parmi ses premiers pays cibles. Il y crée une unité de production de poulets pour le marché local.
A Dakar, le développement avant tout
Le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis) du Sénégal devrait annoncer d’ici à quelques mois ses trois premières cibles, dont la société gérant le futur aéroport Blaise-Diagne. « Nous voulons développer le Sénégal et générer du rendement », explique Amadou Hott, le directeur général du fonds.
Financé par 6 milliards de F CFA (9,15 millions d’euros) tirés du budget de l’État 2013-2014, le Fonsis devrait surtout bénéficier d’importants transferts d’actifs publics (terrains, participations, etc.) pour atteindre 500 milliards de F CFA de capitalisation dans un État sans manne pétrolière.
La loi prévoit que 75 % du portefeuille soit investi dans le pays, mais le montant pourrait être plus élevé encore. Fonsis entend fédérer les investissements privés, étrangers notamment, dans des secteurs clés (infrastructures, énergie, agriculture…), mais aussi contribuer au capital de futurs champions nationaux.
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