Burkina Faso : Coris Bank et la méthode Nassa
En fondant Coris Bank, l’entrepreneur burkinabè est l’un des rares Africains à s’être imposé dans la finance. Aujourd’hui, ce banquier des PME entend dupliquer son modèle un peu partout sur le continent.
Il court, il court, Idrissa Nassa, au rythme de l’expansion de Coris Bank International dans la sous-région. À peine rentré d’une conférence à Nairobi mi-juillet, le banquier burkinabè de 49 ans s’est envolé pour Bamako afin de superviser le lancement des activités de la filiale du groupe au Mali, prévu le 1er août.
Issu d’une lignée de commerçants, dans la pure tradition des opérateurs économiques nationaux, il s’est d’abord distingué comme importateur et distributeur de riz, de sucre et surtout de pièces détachées pour deux-roues (moto et vélo).
Puis, en 2001, a racheté la Financière du Burkina, un établissement de crédit alors en pleine crise, qu’il recapitalise et transformera en banque en 2008. « J’ai beaucoup évolué dans le commerce, l’import-export et la distribution de pièces détachées, de riz et de sucre », confie celui qui a poussé plusieurs membres de sa famille à se lancer dans les affaires. Mais, accaparé par la gestion de son groupe bancaire, il a préféré se délester de ce pan important des affaires familiales.
Tchad, Niger, Côte d’Ivoire, mali, Togo… Coris bank ne manque pas d’ambitions de développement.
En six ans d’existence, Coris Bank, dont il détient environ 70 % du capital, a atteint 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros) de total de bilan consolidé fin 2013 et s’est hissé au deuxième rang du secteur, juste derrière le groupe panafricain Ecobank. Une performance spectaculaire qui ne lui vaut pas que des amis. « On entend effectivement beaucoup de choses sur Coris », glisse sous le couvert de l’anonymat un cadre banquier, reflétant la jalousie qu’inspire la rapide progression du groupe.
S’affirmant étonné d’entendre dire qu’il est proche du pouvoir, le banquier réplique sur le ton de la plaidoirie : « Je n’ai aucun lien, ni d’affaires ni familial, avec des hommes politiques. Aucun n’a de compte dans nos livres ! »
Pour ceux qui ont suivi son parcours, le secret de Nassa ne réside pas dans son entregent. « Il a un avantage que les autres banquiers n’ont pas : il a d’abord été commerçant, il va vers la clientèle », résume une source proche de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Burkina Faso (APBEF-BF). Idrissa Nassa n’hésite pas à aller à la pêche aux clients.
« Il a amené les PME du secteur informel à travailler avec Coris en leur accordant davantage de souplesse dans les garanties demandées et en les accompagnant intelligemment vers le secteur formel », explique Thierno Seydou Nourou Sy, actuel directeur général de la BNDE (Banque nationale de développement économique) au Sénégal.
Méthodique
« Il est différent dans sa conception du financement de l’économie, dans ses relations avec ses clients, mais aussi dans ses rapports avec ses collaborateurs », poursuit celui qui fut directeur général adjoint de Coris. Ses cadres le décrivent comme un manager méthodique et rigoureux. « Il est patient et a une véritable culture du résultat », confie l’un de ses proches collaborateurs, qui figure parmi les cadres qu’Idrissa Nassa réunit plusieurs fois par an pour faire le point et réfléchir aux stratégies.
L’homme sait motiver ses troupes, qui ne comptent pas leurs heures, soirs et week-ends compris, et il a su s’entourer de professionnels compétents qui sont le reflet du dynamisme de son groupe. Parmi eux figurent Emmanuel Sawadogo, qui dirige désormais les filiales hors du Burkina, et Diakarya Ouattara, actuel directeur général adjoint du groupe. « Il est de ces patrons qui pensent que, parfois, leurs collaborateurs peuvent leur apprendre des choses », décrypte Thierno Seydou Nourou Sy.
Hôtellerie
Cette méthode et cette stratégie, Idrissa Nassa souhaite résolument les porter hors des frontières du Burkina. Avant son implantation au Mali, le groupe avait déjà tenté de mettre un pied au Niger en 2011 en prenant une participation dans la BIA, deuxième banque du pays. Un essai manqué, puisque Coris revendra ses parts après quelques mois seulement.
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À la même époque, il s’intéresse de près à la privatisation de la Commercial Bank-Tchad avant de renoncer, échaudé notamment par l’expérience nigérienne. En 2013, il ouvre une filiale en Côte d’Ivoire et tente au même moment de se rapprocher de la BNDE, une banque des PME en création au Sénégal.
En septembre prochain, il s’installera au Togo, toujours avec la même ambition : soutenir le développement des petites et moyennes entreprises. « Notre souhait est de dupliquer l’expérience du Burkina dans les pays d’implantation. Pour l’instant, le marché de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est une priorité. Mais à terme, nous avons des ambitions africaines », confie Idrissa Nassa.
Actif dans l’immobilier et dans l’imprimerie, Idrissa Nassa a aussi des intérêts dans un autre secteur : l’hôtellerie. Déjà propriétaire de deux petits hôtels, il a repris et rénové avec sa Société de promotion et d’aménagements touristiques et hôteliers (Sopatel) l’hôtel Silmandé à Ouagadougou, l’un des fleurons de l’industrie hôtelière du Burkina Faso, dont la gestion est confiée au groupe Golden Tulip. « Si le projet réussit, l’hôtellerie pourrait bien devenir son nouveau challenge », révèle un proche.
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